Communiqués de presse 20.02.2024

Eaux Perrier, Vichy, Vittel, Cristaline, etc. filtrées illégalement : une fraude massive contre laquelle foodwatch porte plainte

C’est une fraude massive dont Nestlé Waters et le groupe Sources Alma mais aussi l’Etat français devront répondre. foodwatch porte plainte ce mercredi 21 février au Tribunal judiciaire de Paris pour neuf infractions à l’encontre de ces entreprises qui ont traité illégalement leurs eaux en bouteille puis les ont vendues sans en informer les consommateurs et consommatrices. foodwatch questionne aussi la complaisance de la France, mouillée dans cette affaire depuis plusieurs années, qui aurait dû alerter les autorités européennes et les autres Etats membres importateurs de ces eaux. foodwatch s’appuie sur la directive européenne encadrant les eaux minérales pour interpeller la Commission : personne, pas même une multinationale comme Nestlé, n’est au-dessus des lois

PHOTOS / MEDIAS

 Rendez-vous sur le parvis du Tribunal de Paris

ce mercredi 21 février 2024 à 10h30

Paris, le 21 février 2024. L’enquête des journalistes Marie Dupin, de la Cellule investigation de Radio France et Stéphane Foucart, du journal Le Monde, a mis le feu aux poudres le 30 janvier dernier. La plainte déposée aujourd’hui par l’organisation de défense des consommateurs foodwatch vient étayer les faits avec une liste impressionnante de neuf infractions pénales. L’eau en bouteille n’était pas aussi pure qu’on le croyait. Recourir à des systèmes de traitement de l’eau tels que des filtres à charbon ou des filtres UV, remplir les bouteilles avec de l’eau du robinet, dissimuler ces procédés aux yeux des contrôleurs, commercialiser des produits non-conformes, c’est tout simplement interdit. 

« Nestlé Waters et Sources Alma ont fait croire à leurs consommateurs qu’elles leur vendaient de l’eau minérale naturelle, conformément à ce que cela implique en termes de bienfaits pour la santé et de qualités nutritionnelles, tandis qu’elles leur vendaient, en fait, de l’eau anciennement contaminée qui avait été traitée de façon illégale. Ces techniques ont nécessairement eu un impact sur les constituants essentiels de l’eau, dès lors qu’elles ont eu pour effet de la purifier afin de la rendre potable », explique Me François Lafforgue, l’avocat de foodwatch. 

La fraude est massive. Un tiers des eaux vendues en France ont ainsi subi des traitements non-conformes, dont la marque Cristaline la plus vendue mais aussi Perrier, Vittel, Hépar et Contrex notamment. Selon l’enquête des journalistes, concernant Nestlé, « ce sont 100% des marques qui sont concernées par l’utilisation de traitements interdits ». 

Pour foodwatch, la fraude aux eaux filtrées illégalement est comparable au scandale de la viande de cheval il y a une dizaine d’années : « La fraude est bien caractérisée puisqu’il y a clairement une infraction à la réglementation, tromperie des consommateurs, gain économique et intention de tromper puisque les entreprises ont dissimulé les procédés de filtration aux contrôleurs et se sont bien gardés de donner les informations aux consommateurs ou aux distributeurs. Ce qui leur a permis d’écouler leurs produits pourtant non-conformes pendant des années à la fois en France mais aussi probablement sur le marché intérieur européen. Personne, pas même une multinationale comme Nestlé, n’est au-dessus des lois. C’est la raison pour laquelle nous portons plainte aujourd’hui », commente Ingrid Kragl, directrice de l’information de foodwatch et autrice d’une enquête sur la fraude alimentaire, « Manger du faux pour de vrai » (éd. Robert Laffont). 

Entre pratiques commerciales déloyales, non-conformité, défaut d’étiquetage et manquement au devoir d’information, les neuf infractions relevées par foodwatch à la directive européenne sur les eaux minérales, au Code de la consommation et au Code de la santé publique sont : 

1.    Utilisation de produits et procédés de traitement qui modifient la composition de l'eau dans ses constituants essentiels : recourir à des systèmes de traitement de l’eau tels que des filtres à charbon ou des filtres UV notamment, remplir les bouteilles avec de l’eau du robinet, c’est tout simplement interdit ;

2.    Information fausse et de nature à induire en erreur sur les qualités substantielles du produit : les entreprises se sont bien gardées d’informer les consommateurs, les distributeurs, les autorités européennes... tout en continuant à commercialiser leurs produits ; 

3.    Tromperie quant aux qualités substantielles d’une marchandise : en dissimulant leurs pratiques illégales, les entreprises se sont adonnées à de la fraude, caractérisée notamment par l’intentionnalité et le fait que cette pratique illégale leur rapportait de l’argent ; 

4.    Non-conformité portant sur une qualité substantielle du produit : l’eau minérale naturelle devait présenter des problèmes microbiologiques – mais lesquels ? - pour que les entreprises décident de tricher et de recourir à une filtration pourtant interdite. Ce faisant, elles ont modifié la qualité substantielle – naturelle – des eaux minérales ;

5.    Falsification de boissons destinées à être vendues : c’est une fraude massive ;  

6.    Absence de mention des traitements sur l’étiquetage de l’eau minérale ;

7.    Modification de la composition analytique de l’eau minérale : « Lorsqu’il est constaté, en cours d’exploitation, que l’eau minérale naturelle est polluée et ne satisfait plus aux caractéristiques microbiologiques prévues à l’article 5, l’exploitant est tenu de suspendre sans délai toute exploitation, en particulier l’opération d’embouteillage, jusqu’à ce que la cause de la pollution soit supprimée ». Dès la première constatation de pollution de leurs sources, Nestlé Waters et le groupe Sources Alma auraient donc dû en interrompre sans délai l’exploitation et la commercialisation. 

8.    Absence d’information du ministre chargé de la Santé : Nestlé Waters aurait prévenu Bercy lors d’une réunion confidentielle qu’elle filtrait son eau. Ni Nestlé Waters ni Sources Alma n'auraient informé le ministre de la Santé – qui doit ensuite alerter la Commission européenne - des traitements de désinfection et de microfiltration auxquels elles se livraient. Le ministre de la Santé n’a été informé de ces agissements qu’à la suite de la dénonciation d’un salarié auprès de la DGCCRF ; les entreprises s'étant, notamment, attachées à dissimuler leurs pratiques illégales.

9.    Absence d’information de la Commission européenne et des Etats membres par le gouvernement : la France n’a informé ni la Commission européenne ni les Etats membres de la non-conformité des produits commercialisés par Nestlé Waters et Sources Alma. Ainsi, aucune information à ce sujet n’est disponible sur le réseau d’alerte européen, Rapid Alert System for Food and Feed (RASFF), ni sur celui relatif aux fraudes, l’EU Agri-Food Fraud Network (FFN). 

Sur la responsabilité de l’Etat français, foodwatch a interpellé par courrier la Commissaire européenne à la santé et la sécurité alimentaire, Stella Kyriakides. L’appellation « eau minérale naturelle » est en effet encadrée par une directive européenne stricte. Etant donné que la France était au courant de la fraude au moins depuis 2021 mais que, d’après nos informations, elle n’a pas jugé utile d’informer les citoyen·nes ou les autres Etats membres, foodwatch demande à la Commission européenne de prendre des mesures pour garantir que de telles fraudes ne se reproduisent pas.

Ce nouveau scandale souligne l’opacité dénoncée par foodwatch depuis plusieurs années et qui entoure systématiquement les fraudes alimentaires alors que les consommateurs et consommatrices exigent de la transparence, des contrôles et des sanctions exemplaires.