Communiqués de presse 12.05.2016

CETA et TAFTA : le double discours du gouvernement

L’accord de libre-échange conclu avec le Canada, le CETA, est à l’ordre du jour du conseil européen des Affaires étrangères ce vendredi 13 mai pour préparer son adoption en septembre par le Conseil et une entrée en vigueur dès 2017. Alors que les dangers associés à ce traité apparaissent au grand jour, le gouvernement français continue de le défendre point par point, allant même jusqu’à le qualifier d’anti-TAFTA. Pour la Fondation Nicolas Hulot et foodwatch, le gouvernement doit faire preuve de cohérence et s'opposer demain à toute entrée en vigueur du CETA, qui menace la capacité de nos institutions démocratiques à protéger les citoyens et l’environnement.

Rappelons les récentes prises de positions du président de la République et du gouvernement et pourquoi ils devraient condamner le CETA sans appel !

Un traité contraire à l’accord de Paris

« La France sera également très vigilante, je le dis dans ce contexte particulier, pour que les négociations internationales futures, les accords commerciaux, ne remettent pas en cause, de manière subreptice, les avancées qui ont été décidées lors de la COP21. »

François Hollande, discours prononcé lors de la conférence environnementale le 25 avril 2016

Le CETA c’est 22 pages consacrées au développement durable et à l’environnement sur les 1598 que compte l’accord. Des chapitres non contraignants qui mettent en avant « la promotion du développement durable ». Rappelons que dans le même temps, la perspective de cet accord, a mis fin à la volonté européenne de légiférer sur les gaz de schistes et que sa mise en œuvre contribuera à en accélérer le développement. De plus, la mise en œuvre des tribunaux d’arbitrage et de la coopération réglementaire freinera considérablement la mise en place des politiques publiques nécessaires à l’atteinte de l’objectif de l’Accord de Paris :  limiter la hausse des températures à 1,5°C. Le recours canadien à un tribunal d’arbitrage contre la décision de l’Etat américain de mettre fin au projet d’oléoduc Keystone XL en est une illustration sans équivoque.

Un traité remettant en cause le principe de précaution

 « Je pense aux normes sanitaires, alimentaires, sociales, culturelles, environnementales, jamais nous n'accepterons la mise en cause des principes essentiels pour notre agriculture, notre culture, pour la réciprocité, pour l'accès aux marchés publics, voilà pourquoi, à ce stade, la France dit non dans l'étape que nous connaissons des négociations commerciales internationales. »

François Hollande, discours lors du colloque « La Gauche et le pouvoir » le 3 mai 2016

Le principe de précaution est un élément fondamental des politiques européennes et de la Constitution française qui n’a pas cours en Amérique du Nord. C’est lui qui permet d’interdire l’utilisation ou la vente de produits tant qu’un doute persiste sur sa dangerosité pour la santé ou l’environnement. C’est le fabricant qui doit prouver que son produit est inoffensif. Or, le principe de précaution n’est pas garanti dans le CETA. En fait, il n’apparaît pas une fois dans les 1598 pages de l’accord. C’est sur la base de ce principe que les OGM, la viande aux hormones et à la ractopamine ont pu être interdits en Europe. Un principe qui pourra être attaqué devant les tribunaux d’arbitrage par les multinationales canadiennes et américaines - puisque 80 % ont une filiale au Canada.

Un traité qui sacrifie l’agriculture européenne pour un accès au marché public canadien

« Si je suis avec vous aujourd’hui, c’est pour dire aux éleveurs que l’État et ce gouvernement ne les laisseront pas tomber »

Manuel Valls, discours prononcé à l’occasion du 10e Congrès mondial de la race Brune le 8 avril 2016

La Commission européenne a choisi de sacrifier l’agriculture européenne au profit d’un accès aux marchés publics. En effet, plus de 90% de l’agriculture sera libéralisée, c’est-à-dire exempt de tout tarif douanier. Alors que l’élevage connaît déjà de grandes difficultés économiques, le CETA prévoit une hausse des quotas annuels de 50 000 tonnes de viandes bovines à droit de douane nul. L’augmentation des quotas s’applique aussi à la viande de porc, un autre secteur en crise.  Enfin, seulement 30 indications géographiques sur des produits alimentaires français seraient protégées (dont 24 Appellations d’Origine Contrôlée seulement).

Un traité contraire à tout principe démocratique

« Les négociations commerciales modernes ne pourront plus se faire en cachette, à l'abri des regards, eu égard en particulier aux sujets désormais abordés. Il ne s'agit plus de négociations tarifaires classiques ; de nombreux sujets concernant potentiellement la vie de tous les jours sont évoqués. Le regard citoyen ainsi que le contrôle démocratique et parlementaire sont donc indispensables à la légitimité de ces négociations et de tout accord.»

Matthias Fekl, Secrétaire d’Etat au Commerce extérieur, déclarations officielles de politique étrangère du 05 février 2016

Le contenu du CETA menace les processus démocratiques de décision de politiques d’intérêt général. Mais cela n’est pas tout : le gouvernement en réponse à une question orale posée par le député Jean-Noël Carpentier s’est prononcé, mercredi 11 mai, en faveur d’une entrée provisoire du traité de libre-échange entre le Canada et l’Union Européenne sur les parties du CETA relevant des compétences exclusives de l’Union Européenne. Cette déclaration va à l’encontre des principes démocratiques puisque cela signifie que l’Assemblée nationale et le Sénat n’auront pas leur mot à dire sur la mise en place de la grande majorité du traité pouvant inclure les sujets les plus controversés comme l’institutionnalisation des tribunaux d’arbitrages et de la coopération règlementaire, opérationnels dès 2017.