Actualités 17.11.2022

Pesticides et lobbies : la faim brandie pour éviter la fin ?

En cette fin d’année, en arrière-plan des sujets brûlants comme l’inflation, le climat ou la guerre en Ukraine, se joue une question récurrente : celle de l’usage des pesticides. Elle touche à l’alimentation, la santé, l’agriculture et l’environnement. Alors qu’il est question de légiférer ou de restreindre l’usage des pesticides, les lobbies de l’agriculture industrielle brandissent la nécessité de « nourrir le monde » et agitent le spectre de la « famine dans les pays les plus sensibles ». Nous ne sommes pas dupes. Leur objectif est clair : profiter des crises pour faire reculer le peu de contrainte existante, maintenir un statu quo qui leur est bénéfique, quitte à saborder la barque dans laquelle nous sommes tous. 

foodwatch vous emmène pour un petit tour du sujet en cette fin d’année. Au menu : des lobbies sans scrupules, des politiques qui manquent cruellement de courage, et des citoyens consommateurs toujours plus déterminés ! On fait le point sur les pesticides interdits en Europe qui reviennent en boomerang dans nos produits importés, le glyphosate qui sera vraisemblablement prolongé d’une année et la règlementation européenne pour réduire les pesticides à travers le vieux continent qui se voit détricotée et ne trompe plus personne sur ses ambitions revues à la baisse.

Le boomerang des pesticides interdits

Depuis avril 2020, foodwatch appelle à mettre fin à une situation intenable. A travers l’Europe, les géants des pesticides continuent de produire des pesticides pourtant bannis sur notre continent à cause de leur toxicité. Ils exportent sans état d’âme ces produits dangereux à travers la planète dans les pays où la règlementation protège moins bien les populations et l’environnement. Le problème est donc très grave et ne s’arrête pas aux frontières. En effet, les résidus de ces pesticides bannis reviennent jusqu’à nos assiettes via nos importations. 

Ce sale business est déjà interdit en France depuis 2019. La Commission européenne s’était engagée à y mettre fin début 2021. Mais pour Bayer-Monsanto, BASF, Syngenta, il n’est pas question de laisser passer le juteux marché de l’exportation des pesticides interdits.  Profitant des crises actuelles, utilisant l’argument fallacieux de la sécurité alimentaire, ils sont revenus à la charge. Et cet automne, la mesure avait disparu du programme 2023 de la Commission européenne.

Contre les lobbies, une vigilance de chaque instant est nécessaire. Ensemble, continuons de nous mobiliser pour obtenir stopper une bonne fois pour toute ce boomerang empoisonné. 
 

La saga glyphosate – épisode 8, saison 32

Spoiler alerte : le glyphosate n’est toujours pas interdit à la fin de cet épisode. Pourtant, l’Europe devrait savoir que même les meilleures séries ont une fin – nous sommes même plus de 500 000 à le demander l’interdiction de cette substance classée « cancérogène probable » pour l’homme par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), une agence de l’Organisation mondiale de la santé.

C'est quoi le problème avec le glyphosate?

Risques importants pour la santé, détournement de la science, dégâts environnementaux, revirements politiques sur la question de son interdiction… Derrière la petite molécule du nom de glyphosate se cache un nombre impressionnant de problèmes. Comment résumer ces grands enjeux ? 

LIRE LE DOSSIER

Le 15 novembre dernier, un xième vote avait lieu au sein d’un comité européen sur la ré-autorisation du glyphosate. Bien qu’une nette majorité d’États membres ait soutenu la proposition de le prolonger, la majorité qualifiée n’a pas été atteinte et aucun avis n’a été émis. C’est donc maintenant à la Commission européenne que revient la décision à prendre d’ici le 15 décembre. Et les prochains épisodes sont sûrement déjà tracés. La Commission prolongera vraisemblablement l’autorisation du glyphosate d’une année supplémentaire en attendant le rapport des autorités sanitaires européennes (EFSA) annoncé pour la deuxième moitié de 2023. 

Un scénario recyclé de 2017 qui est inacceptable alors que les études allant dans le sens du CIRC continuent de s’empiler. Emmanuel Macron doit tenir sa promesse et montrer la voie de l’interdiction du glyphosate. 
 

Signez la pétition, changeons le scénario !

Une réduction européenne des pesticides ?

Dans les couloirs des instances européennes se dessine depuis plusieurs mois une règlementation visant à réduire l’usage des pesticides à travers l’ensemble des pays membres. Une ambition plus que bienvenue face à l’impact de ces produits chimiques sur la biodiversité et sur notre santé. Sans surprise, les lobbies de l’agrochimie et de l’agriculture industrielle œuvrent intensément pour annihiler tout vecteur de changement. C’est la stratégie du choc que nous dénonçons avec force. 

Le diable se cache souvent dans les détails ; la proposition européenne sur la table présente une faille. L’indicateur de mesure comme proposé à ce jour est biaisé. Il permettrait par la magie des calculs proposés de publier des chiffres montrant soi-disant une réduction de l’usage alors que dans les champs il n’en est rien. 

Une technique vieille comme les lobbies. Il ne s’agit plus de nier l’impact des pesticides sur la santé et l’environnement car les citoyens ne sont plus dupes, mais de tout simplement casser les instruments de mesure afin encore et toujours d’éviter tout changement. 
 

Un système verrouillé

En cette fin d’année 2022, ces trois exemples font écho à un problème commun. L'agriculture européenne est enfermée dans le piège des pesticides. La dépendance de l'Europe aux pesticides nocifs est une maladie grave qui a complètement verrouillé notre système agricole. Les dommages et les coûts énormes qui y sont associés n'ont pas encore été évalués, et encore moins corrigés de manière systématique. Ce n'est pas ainsi que l'on construit un système alimentaire européen résilient et durable.  Nous avons dénoué le nœud du problème dans un rapport sur la dépendance de l’Europe aux pesticides (résumé ici en quelques pages en français) publié en septembre dernier.  Mais au-delà des détails techniques, il s’agit aussi et avant tout d’un choix de société. De l’emballage à l’assiette, de la fourche à la fourchette, foodwatch n’hésitera pas à mettre les pieds dans le plat. En cette fin d’année, le sujet des pesticides est plus que jamais à la croisée de nombreux de nos combats pour un accès à une alimentation saine et sûre pour toutes et tous. 

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