Communiqués de presse 18.11.2020

Sésame : petites graines, gros scandales. Un déjà-vu dénoncé par foodwatch

Cela fait deux mois que l’affaire du sésame contaminé à l’oxyde d’éthylène enfle à l’échelle mondiale. En France, les produits sont retirés ou rappelés trop souvent en catimini, épingle foodwatch qui a constaté à Paris des rayons vidés mais parfois aucun d’affichage. Alors que la Commission européenne parle de « risque grave pour la santé », les autorités françaises semblent se contenter de mettre la liste des produits contaminés à jour au compte-gouttes sur le net. L’histoire a des allures de déjà-vu, comme lors du scandale du fipronil : une substance non autorisée a été massivement importée et consommée, un déni sanitaire apparent et au final une absence de sanctions pour les industriels qui ont mis sur le marché des denrées contaminées à des doses parfois mille fois supérieures à la limite maximale tolérée en Europe. Les consommateurs sont nombreux à se tourner vers foodwatch pour obtenir des réponses. L’ONG interpelle donc Bercy et la Répression des fraudes : « Les responsables continueront-ils encore longtemps d’échapper à leurs responsabilités ? » Plus de 25 000 personnes ont déjà signé la pétition de foodwatch réclamant la fin de l’opacité et de l’impunité qui permettent aux scandales alimentaires de se reproduire inlassablement. 

Cette fois, il s’agit de graines de sésame en provenance d’Inde, contenant des résidus d’oxyde d’éthylène - un désinfectant gazeux, visant entre autres à éviter la formation de moisissures - interdit au sein de l’Union mais que l’on a retrouvé sur des aliments à des doses mille fois supérieures à la limite maximale tolérée en Europe, qui est de 0,05 mg/kg. Comme pour le fipronil, c’est la Belgique qui a prévenu au mois de septembre ses voisins européens, éberlués. Le réseau d’alerte européen RASFF est limpide : des dizaines de pays en Europe et ailleurs sont désormais concernés. La Commission européenne ne prend pas l’affaire à la légère : « De tels niveaux de contamination représentent un risque grave pour la santé humaine dans l’Union car l’oxyde d’éthylène est classé comme mutagène de catégorie 1B, cancérogène de catégorie 1B et toxique pour la reproduction de catégorie 1B ».

Suite à la publication d’un premier article de foodwatch sur la situation, de nombreux ·ses consommateurs et consommatrices se sont tourné·e·s vers l’organisation. Une maman s’inquiète dans un mail d’avoir donné des graines de sésame à son fils de quatre ans : « Qui pourrait nous renseigner quant aux risques de consommation pour un enfant de cet âge ? ». Du côté des autorités françaises, tant sur le site de la Répression des fraudes que sur celui du Ministère de la santé, c’est le silence radio : aucune information sur l’évaluation des risques. Il faut se plonger dans le « questions-réponses » de l’Agence belge pour la Sécurité de la Chaîne alimentaire pour espérer des débuts de réponses.  

Des centaines d’opérateurs concernés et personne n’a songé à inspecter sa chaîne d’approvisionnement ? 

Ces graines de sésame importées par centaines de tonnes dans leur version contaminée en Europe se sont retrouvées dans des centaines de références de l’industrie agroalimentaire, marques connues, bio et distributeurs. En France, aucune chaîne de supermarché n’y échappe et on voit de nombreux rayons se vider : petits pains, magret de canard, salades, tahini, biscuits, etc. « Face à cette nouvelle question de sécurité sanitaire, une fois de plus, tout le monde semble tomber des nues. C’est honteux, réagit Ingrid Kragl, directrice de l’information de foodwatch. Ces graines de sésame sont partout. Les gens sont priés de consulter le site de la Répression des fraudes tous les jours ; l’information nous parvient au compte-gouttes et on est laissés dans le brouillard concernant les risques ». foodwatch va plus loin en rappelant que les industriels de l’agroalimentaire sont légalement responsables de ce qu’ils commercialisent. « Alors comment se fait-il que nulle part en Europe, les fabricants n’aient songé à vérifier leur chaîne d’approvisionnement ? Les plans de contrôle, les autocontrôles existent, surtout chez les gros opérateurs. On peut légitimement penser que certains savaient. Mais seront-ils sanctionnés ? C’est pour eux une obligation de s’assurer que les produits qu’ils mettent sur le marché sont conformes à la réglementation », lâche Ingrid Kragl. 

foodwatch a donc écrit aux ministères de l’Economie et de la Santé pour les presser de communiquer sur les risques, sur l’ampleur du problème en France et sur leurs intentions en termes de sanctions à l’égard des industries agroalimentaires contrevenantes à la réglementation.

Branle-bas de combat à Bruxelles

En octobre dernier, face à la gravité de la situation, la Commission européenne a été contrainte de mettre un peu d’ordre. Son règlement d’exécution du 22 octobre 2020 a provoqué un branle-bas de combat dans les Etats membres en fixant à « 50 % la fréquence des contrôles physiques et des contrôles d’identité à effectuer aux frontières de l’Union pour détecter la présence de résidus de pesticides sur les graines de sésame originaires de l’Inde ». Un lot sur deux doit désormais être contrôlé. Résultat ? Comme avec le fipronil qu’on ne surveillait pas puisqu’il n’était pas autorisé, qui cherche de l’oxyde d’éthylène… trouve ! Et la liste des produits contaminés continue de s’allonger de façon vertigineuse. 

L’opacité pour les consommateur·rice·s est une honte

« Parce qu’il s’agit d’une question qui touche à la santé publique, les produits contaminés sont rappelés. Ils ne sont pas censés être retirés des rayons en catimini, sans affichage. C’est pourtant ce qu’il se passe », a constaté Ingrid Kragl dans des supermarchés parisiens. La traçabilité est une obligation qui incombe aux fabricants alimentaires et aux supermarchés pour leurs marques distributeurs mais les discrets retraits des denrées semblent s’opérer dans la honte. 

Avec sa pétition, foodwatch demande que les choses changent. Les responsables continueront-ils encore longtemps d’échapper à leurs responsabilités ?
 

Sources