Communiqués de presse 16.06.2022

Dérivés de pétrole dans les aliments : la Commission européenne impose (enfin) des limites suite aux pressions de foodwatch

C’est une décision importante pour la sécurité alimentaire dont se félicite foodwatch : la Commission européenne vient enfin de prendre des mesures fortes contre la contamination de nos aliments par les huiles minérales aromatiques (MOAH), reconnues dangereuses pour la santé. Il est désormais exigé que tous les produits alimentaires soient exempts de MOAH, au-delà de seuils précis (limites de quantification). Cette décision, entrée en vigueur immédiatement sans même attendre l’avis de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) prévu pour fin 2022, a provoqué une onde de choc au sein de l’industrie agroalimentaire. Leurs produits contaminés par des dérivés d’hydrocarbures dangereux (MOAH), potentiellement cancérigènes et génotoxiques, devront en effet être retirés du marché. C‘est le résultat d’une pression exercée sans fléchir depuis 2015 par foodwatch. 

L’organisation de défense des consommateurs a démontré, avec plusieurs tests de laboratoires à l’appui, la contamination de nombreux de nos aliments courants dont des lentilles corail Auchan (2015), des laits en poudre pour bébés Nestlé et Danone (en 2019) ou encore des cubes bouillon Knorr/Unilever, Auchan ou Jardin Bio Etic/Léa Nature (2021). Jusqu’à présent, l’industrie agroalimentaire n’était pas contrainte d’agir. Pour foodwatch, c’est une victoire qui doit être suivie à présent d’une réglementation et donc de contrôles serrés, sanctions, garanties de la santé des consommateurs.

Paris, le 16 juin 2022. Après sept ans de campagne et trois séries de tests en laboratoires par foodwatch pour dénoncer la contamination des aliments en Europe par des dérivés de pétrole dangereux pour la santé, la Commission européenne et les pays de l’UE se sont enfin décidés à agir : ils ont fixé des seuils pour la présence d’huiles minérales aromatiques (MOAH) dans tous les produits alimentaires lors de la dernière réunion du Comité permanent des végétaux, des animaux, des denrées alimentaires et de l’alimentation animale (ou Scopaff pour Standing Committee on Plants, Animals, Food and Feed) du 21 avril, (dont le compte-rendu a été rendu public le 17 mai). Ces seuils correspondent aux limites de quantification (LQ) suivantes : 

  •  0,5 mg de MOAH par kilo de produit autorisé pour les aliments secs à faible teneur en graisse/huile (≤ 4 % de graisse/huile) – c’est le cas, par exemple d’aliments comme les pâtes, le riz, la farine ;
  • 1 mg de MOAH par kilo dans les aliments à forte teneur en matières grasses/huile (> 4 % de matières grasses/huile) – par exemple dans les cubes bouillons, le chocolat, les pâtes à tartiner, le pesto ; 
  • 2 mg de MOAH par kilo pour les graisses et huiles, dont beurre et margarine. 

« foodwatch a révélé trois fois depuis 2015 par des tests en laboratoires l’omniprésence d'huiles minérales nocives dans les aliments. A chaque fois, les géants comme Auchan, Danone, Nestlé et Unilever ont refusé de reconnaître le problème et de retirer leurs produits contaminés du marché. Nous avons dû nous appuyer sur les autorités pour faire respecter la loi relative aux produits non-conformes. Cette fois, nous avons gagné : l’UE confirme enfin qu’il est interdit de commercialiser des produits contaminés par ces MOAH au-delà de seuils stricts », a commenté Karine Jacquemart, directrice de foodwatch France. 

Cette décision politique devra être transposée dans la règlementation européenne. Néanmoins, compte tenu des risques de ces contaminants pour la santé, ces mesures entrent en vigueur immédiatement et devraient mener à davantage de contrôles et de rappels dans tous les Etats membres. En France, les cubes de bouillon contaminés aux MOAH et épinglés lors des derniers tests de foodwatch ont tous été rappelés et retirés du marché par la Répression des fraudes (DGCCRF). 

Ces huiles minérales contiennent des milliers de composants chimiques de structures et de tailles différentes. On les retrouve dans des colles, des encres d’impression, des lubrifiants de machines, des produits de nettoyage ou encore dans certains pesticides. Elles migrent facilement et contaminent nos aliments alors qu’elles n’ont strictement rien à y faire. Les huiles minérales aromatiques (MOAH) peuvent provoquer des cancers, altérer votre patrimoine génétique (caractère mutagène) mais aussi perturber votre système hormonal (perturbateurs endocriniens). Ces derniers participent par exemple à la baisse de la fertilité, au développement de puberté précoce, à des malformations du fœtus ou encore au développement de maladies métaboliques telles que le diabète.

-    Fin 2021, foodwatch avait mené des tests dans plusieurs pays européens et trouvé qu’un produit sur huit présentait une contamination aux dérivés d’hydrocarbures les plus dangereux. 
-    En 2019, deux des huit laits en poudre analysés en France s’avéraient contaminés par des MOAH : le Nidal Lait en poudre 1er âge de Nestlé destiné aux nourrissons de 0 à 6 mois et le Gallia Galliagest Croissance sans lactose de Danone conseillé pour des bébés de 12 mois à 3 ans.
-    En 2017, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses), qui avait auditionné foodwatch pour remettre un avis, avait également tiré la sonnette d’alarme, parlant même de priorité. 
-    En 2015, sur les 42 aliments achetés en France, 60% des produits testés étaient contaminés par les substances les plus dangereuses, les MOAH : chocolat en poudre, riz, couscous, lentilles, etc. Suite à la campagne menée par foodwatch, six grands distributeurs en France s’étaient engagés à cesser cette contamination. 

La dangerosité des MOAH est telle que l’Autorité européenne de sécurité des aliments, l’EFSA, estime que toute exposition à travers l’alimentation présente un risque. L’agence le souligne : aucun taux d’exposition ne peut être considéré comme « sûr ». Or, les enquêtes menées par foodwatch ont révélé une déconcertante omniprésence de ces dérivés du pétrole dans nos assiettes depuis 2015. Un nouvel avis de l’EFSA mis à jour est attendu pour la fin de l’année 2022. 

La dernière pétition foodwatch à ce sujet lancée en décembre 2021 et adressée à la Commissaire européenne à la santé, Stella Kyriakides, ainsi qu’aux ministres responsables des 27 Etats membres a rassemblé plus de 91.000 signatures à ce jour. 

Sources : 

Contacts

foodwatch – Ingrid Kragl – 06 01 23 12 46