Actualités 31.07.2017

L’incompréhensible décision du Conseil constitutionnel

Le Conseil constitutionnel vient d’annoncer qu’il juge l’accord CETA compatible avec la Constitution française. Cela fait suite à une saisine par plus de 150 députés et sénateurs, qui estiment que plusieurs dispositions du traité de commerce euro-canadien enfreignent notamment les principes d’égalité et de précaution, pourtant ancrés dans la Constitution. Avec cette décision, le Conseil sacrifie les droits fondamentaux des citoyens au profit des intérêts commerciaux.

C’est la première fois que les Sages étaient consultés sur un accord de commerce négocié par l’Union européenne. Cette saisine inédite, portée par plus de 150 parlementaires et appuyée par d’éminents juristes ainsi que par foodwatch, se justifie par l’ampleur des impacts du CETA sur le droit français. Au lieu de profiter de l’occasion pour alerter sur les risques que présente l’accord, le Conseil constitutionnel a balayé les analyses juridiques identifiant des incompatibilités profondes entre CETA et Constitution.

Ainsi, les tribunaux d’arbitrage, qui seront à la seule disposition des entreprises étrangères dans le but de contester des décisions politiques pouvant nuire à leurs bénéfices, sont jugés acceptables. Ils représentent pourtant une rupture du principe d’égalité, puisque les entreprises nationales n’auront pas accès à ce mécanisme – pas plus que les Etats et collectivités qui en sont exclus. Le Conseil constitutionnel ne voit rien à y redire, puisque les pouvoirs de ces tribunaux seront « limités » au versement de compensations financières.

Il fait ainsi l’impasse sur l’effet dissuasif exercé sur les législateurs, qui y réfléchiront sans doute à deux fois avant d’adopter des règles plus contraignantes pour les entreprises, même si c’est au nom de l’intérêt général. Mais circulez, y'a rien à voir, nous dit le Conseil, estimant que les conditions d’exercice de la souveraineté nationale ne sont pas menacées…

Autre point-clé de cette décision, le principe de précaution : le Conseil constitutionnel n’est pas inquiet de son absence dans le CETA. Il reprend à son compte l’analyse de la Commission européenne selon laquelle le droit de l’Union européenne suffit à faire garantir l’application de ce principe essentiel. Or selon trois juristes européens sollicités par foodwatch, le traité de commerce menace au contraire l’application du principe de précaution, de telle sorte que la possibilité d’interdire certaines substances en cas de doute scientifique sérieux pourrait à l’avenir être réduite à néant.

Malgré cette décision regrettable, les organisations mobilisées contre le CETA et les accords du même type n’ont pas dit leur dernier mot. Les normes sanitaires et environnementales, l’exercice de la démocratie ne peuvent être remis en cause au nom d’un soi-disant « libre-échange ». La Cour de Justice de l'Union européenne doit être saisie prochainement par la Belgique, pour examiner la comptabilité de CETA avec les traités européens. Le gouvernement français peut et doit soutenir cette démarche, et s’opposer à l’application provisoire de 90% du traité, prévue pour le 21 septembre (soit avant même que les Parlementaires français ne soient consultés).