Actualités 18.02.2016

Transparence, démocratie : foodwatch interpelle le ministre Fekl sur TAFTA et CETA

Dans une  lettre ouverte adressée  au Secrétaire d’Etat au Commerce, foodwatch demande des clarifications sur la position de la France vis-à-vis de l’accord de libre-échange avec le Canada (CETA) et du traité transatlantique (TAFTA). Le ministre Matthias Fekl - et avec lui le gouvernement - doit sortir de l’ambiguïté, lui qui dénonce à juste titre depuis plusieurs mois l’opacité des négociations. L’urgence est là : en mai prochain, les ministres des affaires étrangères européens pourraient choisir de passer en force en appliquant le CETA sans consultation préalable des parlements nationaux sur cet accord.

CETA : vers un passage en force ?

Pour le moment, il n’est pas du tout certain que les Parlements nationaux seront consultés sur l’accord CETA. Les députés et sénateurs se retrouveraient dépossédés du droit à dire non.

Pire encore, même si ces élus étaient finalement amenés à se prononcer, le CETA pourrait entrer en vigueur avant même qu’ils aient leur mot à dire, de façon « provisoire ».  

foodwatch a interpellé le ministre sur ce possible déni de démocratie. Le gouvernement défendra-t-il un passage en force sans consultation des élus ? Le ministre promet de tout faire pour que le Parlement soit consulté. Mais sur la question d’une entrée en vigueur provisoire avant cette consultation, un engagement clair manque encore : le ministre s’en tient pour le moment à des considérations juridiques alors que nous attendons des réponses concrètes. Nous espérons ces réponses à notre lettre d’ici 2 semaines.

Pousser les Etats à l’autocensure

Le CETA et le TAFTA mettent en danger certains de nos principes démocratiques. L’une des inquiétudes dont foodwatch a fait part à M. Fekl concerne le mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et Etats (RDIE). Il s’agit d’une forme d’arbitrage qui doit permettre aux grandes entreprises étrangères de régler des litiges potentiels avec des Etats.

Au prétexte apparemment inoffensif de « protéger les investisseurs », ce mécanisme ouvre en fait un boulevard aux investisseurs étrangers qui souhaiteraient remettre en cause une réglementation qui n’est pas à leur goût. Il leur suffira par exemple d’invoquer un potentiel manque à gagner induit par une nouvelle loi pour poursuivre un Etat et lui demander réparation. Cela s’est déjà produit dans le cadre d’autres accords. En Allemagne par exemple, l’entreprise suédoise Vattenfall a poussé la ville-état de Hambourg à revoir à la baisse l’ambition de sa politique environnementale, sous la menace d’une indemnité d’1,4 milliards d’euros. Fin 2014, Vattenfall a récidivé en réclamant 4,7 milliards d’euros suite à la décision de l’Allemagne de sortir du nucléaire.

Ce mécanisme appliqué à l’échelle des échanges entre l’Europe et l’Amérique du nord pourrait tout simplement pousser les Etats à s’autocensurer, par crainte de devoir payer des compensations exorbitantes en cas de plaintes. Rien ne justifie l’instauration d’une justice parallèle réservée aux grandes entreprises, et dont les consommateurs risquent d’être les premières victimes. D’autant que nous avons grand besoin que l’Union européenne puisse améliorer les règles pour protéger les consommateurs plus efficacement, notamment en matière d'alimentation.

Des normes édictées par les lobbies

Autre sujet de préoccupation : la coopération réglementaire. A travers ce processus, un « conseil » ou « comité » de personnes non élues pourrait par exemple prendre des décisions sur les règlementations avant même que le Parlement européen n’ait pu être consulté. Les citoyens français et européens seront-ils dépendants du bon vouloir des lobbies des multinationales implantées au Canada ou aux Etats-Unis pour l’adoption de futures normes et règlementations d’intérêt général telles que les normes alimentaires et sur les produits chimiques, ou encore des choix environnementaux ?