Actualités 27.06.2016

TAFTA et CETA : l’Europe prête à brader le principe de précaution

Le principe de précaution, une banale « barrière commerciale à éliminer » ? C’était la crainte de nombreux acteurs de la société civile depuis le début des négociations du TAFTA (UE-Etats-Unis) et du CETA (UE-Canada), et c’est désormais avéré. Quatre experts en droit européen commissionnés par foodwatch ont examiné les textes disponibles de ces deux accords à la lumière de leur impact sur le principe de précaution. Leur conclusion est sans appel : le principe de précaution tel qu’on le connaît en Europe, et son application, ne sont pas du tout garantis.

Vache folle, antibiotiques en élevage, bœuf aux hormones : autant de dossiers dans lesquels le principe de précaution européen a permis par le passé de prendre des mesures visant à protéger les citoyens et l’environnement. C’est-à-dire d'empêcher la distribution ou de retirer du marché des produits susceptibles d'être dangereux. Il est donc fondamental que des traités d’une telle ampleur que le CETA et le TAFTA le garantissent sans équivoque. C’est loin d’être le cas, comme le révèlent les conclusions de cette étude présentées par foodwatch à l’Assemblée nationale ce 28 juin.

CETA et TAFTA, en ne mentionnant jamais explicitement le principe de précaution mettent en danger sa mise en œuvre. Les deux traités menacent à la fois les réglementations existantes et futures pour la protection de la santé, de l’environnement et des consommateurs.

Quelques exemples :
•    La réglementation européenne sur les pesticides prévoit des tests pour s’assurer de l’innocuité des substances avant leur commercialisation, et définit le taux maximal de résidus dans les aliments pour la consommation humaine et animale. Si des mesures peuvent être prises même en l’absence de certitude scientifique absolue, c’est grâce au principe de précaution. Avec CETA et TAFTA, l’Union européenne propose désormais de s’aligner sur des normes de protection a minima, qu’il ne serait ensuite plus possible de changer. Si le cas du glyphosate – dont la ré-homologation est actuellement examinée par l’UE – n’était pas tranché avant l’adoption éventuelle de CETA ou TAFTA, il deviendrait très compliqué d’interdire cette substance, d’autant plus qu’une interdiction pourrait entrainer des droits de douane punitifs.

•    Les perturbateurs endocriniens sont soupçonnés de causer des déséquilibres hormonaux et d’être dangereux pour la santé. La Commission européenne a retardé pendant plusieurs années la définition des critères d’évaluation de ces perturbateurs endocriniens, et a même été condamnée pour cela. Elle s’est justifiée en affirmant que l’analyse coûts/bénéfices n’était pas encore terminée. Or ce type d’estimation des conséquences est contraire au principe de précaution. Ce cas illustre l’influence que peuvent déjà avoir les projets de CETA et de TAFTA sur l’application de mesures urgentes de protection de la santé humaine. La Commission aurait en quelque sorte anticipé la coopération réglementaire à venir en retardant son rapport et en adoptant une approche « coûts/bénéfices » plutôt qu’une logique de précaution.

•    L’UE n’exige actuellement pas l’étiquetage des ingrédients issus d’animaux nourris à l’aide d’aliments génétiquement modifiés. Avec CETA et TAFTA, il deviendrait quasi impossible d’introduire un étiquetage plus exigeant.

•    Le champ d’application des nanotechnologies est très large et inclut l’alimentation, elles sont donc réglementées par différentes directives fondées sur le principe de précaution. A ce jour, l’évaluation scientifique des risques pour la santé humaine et l’environnement est incertaine. Malgré l’urgence de se doter d’une réglementation spécifique, le TAFTA et le CETA retarderaient son adoption. En effet, la coopération réglementaire diminuera de manière significative les velléités de prendre des mesures de précaution. Ces technologies peu connues pourront donc être commercialisées sur le marché européen malgré la persistance de doutes quant à leur dangerosité.

Il y a urgence. Le CETA - dont le texte est d’ores et déjà finalisé - pourrait être adopté dès l’automne. Et ce, sans la moindre consultation des parlements nationaux. Le 5 juillet 2016, on saura si la ratification passera par le seul vote du Parlement européen, ou si chacun des Etats membres pourra également soumettre le texte au vote de ses parlementaires.
foodwatch appelle les députés à se mobiliser contre ce déni de démocratie. Les citoyens peuvent interpeller leur élu sur www.opération-transat.fr.