Actualités 27.04.2016

Traités CETA et TAFTA : à quelle sauce allons-nous être mangés ?

Tandis que l’Union européenne négocie avec les Etats-Unis depuis 2013 un traité commercial de libre-échange -  le TTIP ou TAFTA -, elle a déjà conclu un autre accord transatlantique avec le Canada - le CETA – qui risque être adopté dans les prochains mois. Mais à quel prix ? Ces traités d’un nouveau genre sont bien plus que de simples négociations techniques pour le commerce : ils auront un impact durable sur notre vie quotidienne, et sur le contenu de nos assiettes.

Pour les multinationales et leurs lobbies, les règles de protection de citoyens et des consommateurs, nos droits à plus de transparence et à une alimentation saine, sont des barrières commerciales à abattre.

Ces traités risquent donc de balayer certaines de nos règles existantes. Mais il y a pire : certains mécanismes (arbitrage investisseurs/Etats, coopération règlementaire renforcée) vont rendre quasiment impossible une amélioration de nos normes en Europe… or nous en avons cruellement besoin dans le secteur de l’alimentation.

Danger dans nos assiettes : remise en question de règles existantes

Le principe de précaution, spécifique à l’Europe, fait partie des obstacles commerciaux à éliminer en priorité pour les lobbies grâce au CETA et au TAFTA, car il les oblige à prouver qu’un produit ou un aliment est inoffensif pour pouvoir être sur le marché. Or c’est au nom de ce principe que l’Europe a interdit par exemple les importations de bœuf aux hormones de croissance ou l’utilisation de certains antibiotiques en élevage.

C’est aussi le principe de précaution qui, en théorie, doit dicter les décisions de la Commission européenne d’autoriser ou non certains pesticides.

Le texte final du CETA ignore largement le principe de précaution, et il est plus que probable que le TAFTA en fera de même.

Indications géographiques : plus de 75% des AOC ne sont pas protégées dans le CETA

Matthias Fekl, le secrétaire d’Etat au Commerce extérieur, le répète à l’envi : « Le CETA est un bon accord car il protège 42 indications géographiques pour les produits alimentaires français », parmi lesquelles des AOC – appellations d’origine contrôlée, reconnaissance d’une même zone géographique pour toutes les étapes de fabrication- et des IGP – indications géographiques protégées. Sauf que… il s’agit en fait de 30 indications géographiques protégées et non 42 : 24 AOC et 6 IGP. En effet, la liste dans le CETA comptabilise plusieurs fois les mêmes appellations sous des noms différents. Exemple : le cantal AOC se retrouve aussi en fourme de cantal, petit cantal ou cantalet.

Conclusion : le CETA ne protège que 24 AOC sur un total de 100 AOC alimentaires en France (hors vin et eau de vie), et seulement 6 IGP sur un total de plus d’une centaine. Pour les autres, pas de protection : les consommateurs pourraient bien retrouver du Mont d’or ou du beurre d’Isigny fabriqués au Québec…

Quant au TAFTA, à ce stade des négociations, il ne protège aucune appellation d’origine.

Améliorer le contenu de nos assiettes : sérieux risque de statu quo

foodwatch milite pour plus de transparence dans le secteur alimentaire et un accès à une alimentation saine. Les standards en Europe sont très insuffisants aujourd’hui et nécessitent de sérieuses améliorations… ce qui sera rendu quasiment impossible avec les dispositions prévues dans le CETA et le TAFTA. Exemples pour lesquels nous ne voulons pas de ce statu quo :

Etiquetage

  • Des aliments d’origine inconnue : il demeure impossible pour le consommateur de savoir d'où proviennent les ingrédients de l’essentiel des produits qui garnissent les rayons des supermarchés. Même pour ceux qui vantent leur spécificité « régionale », il n'est toujours pas obligatoire de mentionner l'origine des ingrédients !

 On ne connaît pas non plus la provenance de la viande dans les produits transformés.

  • L’opacité perdure sur les OGM : les fabricants ne sont toujours pas obligés d'informer le consommateur lorsqu’un ingrédient d’origine animale, comme le lait, les œufs ou la viande, est issu d’animaux nourris avec des aliments génétiquement modifiés. C’est d’autant plus scandaleux que la majorité des Européens est opposée à l’usage d’OGM dans l’agriculture.

  • Les codes couleurs affichés sur l’avant de l’emballage et qui permettent d’identifier au premier coup d’œil la composition nutritionnelle d’un produit, plébiscités par les consommateurs, n’ont pas survécu à l’intense lobbying de l’industrie. Les fabricants ont dépensé un milliard d’euros pour empêcher l’introduction des « feux tricolores » indiquant les niveaux de graisses, de sucre ou encore de sel au niveau européen. Autant dire qu’il y aura encore moins de chances de les voir apparaître sur nos emballages avec le CETA et le TAFTA…

Perturbateurs endocriniens

Pour avoir un aperçu des blocages que pourra générer le processus de coopération règlementaire renforcée prévue dans le CETA et le TAFTA, le cas des perturbateurs endocriniens est assez éclairant. Et encore, c’est avant qu’un accord sur le TAFTA soit finalisé. Imaginez après….

La Commission européenne était tenue de finaliser la définition des perturbateurs endocriniens avant la fin 2013, ce qui aurait eu beaucoup d’incidence sur le secteur des pesticides entre autres. Les lobbies ont déployé les grands moyens pour retarder ce processus… d’autant plus que les négociations sur le TAFTA ont débuté en juillet 2013. C’est donc non seulement avec les lobbies européens mais aussi, déjà, avec les lobbies américains qu’il a fallu compter par anticipation…  La Commission européenne n’a d’ailleurs toujours pas conclu ce dossier. Une inaction condamnée par la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) en décembre 2015.