Actualités 26.10.2018

Lactalis « couverte » par les autorités ? Le culte du secret continue

Il y a une semaine jour pour jour, foodwatch écrivait dans un communiqué : « En refusant de nous donner les informations sur les magouilles des fabricants alimentaires, c’est un peu comme si les autorités nous demandaient de continuer à consommer les yeux fermés, malgré les produits frauduleux, interdits ou mensongers qui emplissent nos placards. Et bien, nous disons : ça suffit. Nous avons le droit de savoir. » Les révélations du Canard enchaîné au sujet de 8000 tonnes de lait en poudre produit dans l'usine Lactalis de Craon - en plus du lait infantile - constituent une nouvelle preuve de l'opacité et de l'impunité qui dominent dans cette affaire. Les consommateurs en ont ras le bol de découvrir l'information au compte-gouttes... grâce au Canard. Des milliers d'entre eux (et cela continue) réclament la transparence, notamment par le biais de la pétition lancée par l'ONG et qui cible nos autorités, trop enclines à cultiver le secret.

Qu'est-ce qui permet à nos autorités de contrôle – la DGAL (ministère de l'agriculture) et la DGGCRF (ministère de l'économie) – d'affirmer que ces 8000 tonnes étaient totalement exemptes de tout risque, au point de ne pas appliquer le même principe de précaution que pour les laits infantiles, à savoir le retrait-rappel ? Le ministre Bruno Le Maire, avait bien fait fermer les deux tours de l'usine de Craon. Qui a considéré que les 8000 tonnes de lait intégré dans des produits transformés pouvaient librement circuler ? Et sur base de quels résultats ? Autant de questions qui restent actuellement sans réponse.

Or foodwatch réclame la totale transparence depuis le début du scandale Lactalis, fin 2017. Le compte n'y est toujours pas.

Où sont parties ces 8000 tonnes de lait destiné à des produits transformés ? En a-t-on mangé ? Comportaient-ils un risque, même minime ? Le principe de la traçabilité – une obligation légale – permet de savoir très précisément où ont été acheminées ces 8000 tonnes, au sortir de l'usine de Craon. Mais le directeur de la communication de Lactalis, M. Nalet, indique nonchalamment au Canard enchaîné : « Je ne m'en souviens plus et je ne vois pas l'intérêt de revenir sur cette histoire alors que l'usine vient de redémarrer et que nous avons fait 12 millions de travaux pour assainir le site ».

Lactalis tente une nouvelle fois d'éluder les questions qui fâchent, comme si elle savait pouvoir échapper à toute sanction. « Nous avons déjà entendu maintes fois Lactalis nous parler de leurs coûteux travaux. Mais ce n'est pas cela que nous voulons savoir, tempête Ingrid Kragl, de foodwatch. Le groupe a envoyé du lait potentiellement contaminé dans 86 pays et continue aujourd'hui de produire à Craon sans être inquiété. Nous exigeons la totale transparence sur ce qui est sorti de l'usine alors que le scandale de la salmonelle requérait une gestion optimale des risques de la part de nos autorités. Mais ont-elles fait leur job ? Quelles garanties peuvent-elles nous fournir ? En attendant une réponse claire des ministères, les consommateurs sont en droit de se poser la question : quand les autorités cesseront-elles de "couvrir" les entreprises qui jouent avec le feu ? ».

foodwatch, qui a porté plainte dans l'affaire Lactalis avec près de 20 familles, exige de la part des ministères de l'agriculture et de l'économie, en charge des contrôles, la totale transparence sur ce qu'ils savent. La pétition lancée à cet effet il y a quelques jours a déjà récolté près de 5.000 signatures. L'indignation monte. Les autorités doivent cesser leur jeu de cache-cache.