Actualités 07.07.2014

Spéculation et faim dans le monde sont liées, confirment 75% des professionnels de la bourse

Enquête internationale : 75 % des professionnels de la bourse pensent que la spéculation influence les prix des produits alimentaires. L’organisation de défense des consommateurs foodwatch appelle les banques à stopper cet engrenage. 

Trois professionnels des milieux boursiers sur quatre sont convaincus que la spéculation financière agit directement sur les prix des produits alimentaires. C’est la conclusion qui s’impose à l’issue d’une enquête menée à l’échelle internationale par l’institut d’études de marché SIS International Research pour le bureau allemand de foodwatch, qui dénonce depuis plusieurs années les liens entre spéculation et faim dans le monde.

Cette enquête porte sur 180 analystes, courtiers et négociants en produits de base chevronnés, en Allemagne, mais aussi dans les grands centres financiers que sont Chicago, New York, Londres, Tokyo, New Delhi, Shanghai, Dubaï et Abu Dhabi. 

89 % des spécialistes interrogés admettent l’impact de la spéculation financière sur les prix des marchés à terme.

75 % d’entre eux vont encore plus loin : ils affirment que les prix des produits alimentaires et du pétrole brut (qui, indirectement, influencent à leur tour les prix alimentaires) se ressentent également des effets de la spéculation. Une position partagée par les deux employés de la Deutsche Bank qui ont accepté de répondre à l’enquête, à l’encontre de la ligne officielle de leur direction. L’un d’eux affirme que les spéculateurs peuvent “systématiquement” et “durablement” contrôler les prix des produits de base.

« Si la science et ses modèles économétriques ne permettent pas de mettre en évidence des conclusions éloquentes, allez simplement demander à ceux qui travaillent au quotidien sur les marchés des produits de base. La grande majorité des professionnels de la bourse sont convaincus que la spéculation peut influencer à la hausse les prix des produits alimentaires – et cette simple constatation devrait suffire à convaincre les banques de stopper l’engrenage afin d’assurer la stabilité des prix », affirme Lena Blanken, économiste chez foodwatch. 

Nier est complètement irresponsable

En Allemagne, la Deutsche Bank est le dernier établissement financier à s’accrocher à la spéculation sur les produits alimentaires. Jürgen Fitschen, co-président du directoire, affirme qu’il n’y existe aucune preuve convaincante de l’influence de la spéculation financière sur les prix des produits alimentaires. Or l’enquête menée auprès des professionnels montre clairement qu’une grande partie du monde de la finance n’est pas de cet avis. Pour sa part, la Deutsche Bank n’a pas encore communiqué les références des études ou autres travaux qui lui permettraient de défendre sa position. 

Preuves irréfutables : la spéculation engendre la faim

foodwatch estime que les banques ne peuvent nier les faits suivants : 

  • Si les scientifiques ne sont pas encore parvenus à s’accorder pour affirmer que la spéculation financière agit sur les prix, les conclusions de nombreuses études le suggèrent fortement. 
  • Les chercheurs attachés aux institutions financières, comme la Deutsche Bank ou Allianz, admettent eux-mêmes, dans leurs études, que les abus spéculatifs ont déjà provoqué des hausses de prix par le passé, en 2007/2008, par exemple. Selon une étude publiée en mars 2014 à la demande du gouvernement fédéral par l’institut allemand Thünen (un organisme public), les cultivateurs, les négociants agricoles et les entreprises du secteur agro-alimentaire consultent les marchés à terme avant de fixer les prix de leurs produits. Ainsi l’évolution des marchés des produits dérivés se répercute-t-elle sur le prix des produits de base. 
  • Selon l’enquête menée auprès des analystes, courtiers et négociants en produits de base, la majorité des professionnels de la bourse admettent que la spéculation financière influence les prix des produits alimentaires. « Il ressort des études de fortes présomptions que les abus spéculatifs provoquent la hausse des prix alimentaires ; et dans la pratique, les preuves sont irréfutables, affirme Lena Blanken, de foodwatch. Quiconque refuse d’admettre cette réalité se comporte de façon extrêmement irresponsable. Il est grand temps de cesser d’affamer les hommes au profit de la spéculation financière. »

A propos de cette étude internationale 

Pour réaliser cette enquête, l’institut américain d’études de marché SIS International Research, missionné par foodwatch, a interrogé par téléphone, en mars et avril 2014, 20 analystes, négociants et courtiers en produits de base en Allemagne, et autant dans chacun des grands centres financiers que sont Londres, Chicago, New York, Shanghai, Tokyo, New Delhi, Dubaï et Abu Dhabi. Les participants étaient tous des professionnels des marchés financiers dans le secteur des produits de base, avec au moins quatre ans d’expérience. Deux questions leur ont été posées : 

  1. Les activités spéculatives sur les marchés à terme des produits de base se répercutent-elles sur les prix à terme de ces produits (les marchandises agricoles ou le pétrole brut, par exemple) ? 
  2. Le cas échéant, cette distorsion des prix à terme agit-elle sur les prix au comptant ?