Communiqués de presse 06.02.2024

Cheapflation ou comment changer les recettes en catimini en augmentant le prix : six marques épinglées par foodwatch

Jusqu’où iront-ils ? C’est la question posée par foodwatch qui épingle aujourd’hui six grandes marques qui se sont adonnées à la cheapflation. After Eight (Nestlé), Bordeau Chesnel, Findus, Fleury Michon, Maille (Unilever), Milka (Mondelez) ont toutes modifié les ingrédients de leurs recettes et le prix au kilo de leurs produits a augmenté, jusqu’à + 47%. La cheapflation quasi imperceptible au goût est sournoise. On a l’impression qu’elle impacte la qualité : les produits épinglés contiennent moins d’ingrédients dits nobles (viande, poisson), de l’huile de palme à la place de l’huile de tournesol ou encore de moins en moins d’œuf dans la mayonnaise. foodwatch s’inquiète car ces changements de recettes sont bien sûr opérés en catimini alors que les prix augmentent.  Les consommatrices et consommateurs sont invités par foodwatch à interpeller les marques, les distributeurs et leurs lobbies.

Le mot cheapflation est la contraction des mots « cheap » (qui signifie ‘bas de gamme ou bon marché’ en anglais) et inflation. Cette pratique consiste à réduire, à supprimer ou à substituer un ingrédient par un autre ingrédient moins cher et/ou de moins bonne qualité. Non contents de modifier les recettes en catimini, les prix au kilo des produits ont aussi augmenté dans les rayons, bien au-delà de l’inflation. 

Il faut la vigilance de foodwatch et de centaines de milliers de consommateurs et consommatrices qui, souvent, alertent l’organisation, pour débusquer toujours plus de pratiques abusives de la part des industriels de l’agroalimentaire. Les marques épinglées aujourd’hui par foodwatch qui ont eu recours à la cheapflation sont : After Eight (Nestlé), Bordeau Chesnel, Findus, Fleury Michon, Maille (Unilever) et Milka (Mondelez). Elles ont toutes modifié certains ingrédients, ce qui donne l’impression que la qualité s’en voit modifiée, alors que le prix au kilo de leurs produits augmentait dans les rayons au-delà de l’inflation, allant jusqu’à 47% plus cher. foodwatch lance une action d’interpellation de ces marques ainsi que des distributeurs, de la Fédération du Commerce et de la Distribution (FCD), de Leclerc et Intermarché (non-membres de la FCD) et de l’Association nationale des industries alimentaires (ANIA). 

« Avec la cheapflation, les consommateurs et consommatrices sont doublement perdants. Ces marques justifient cela par les crises récentes. Le problème, c’est qu’on a l’impression qu’on perd en qualité alors que le prix au kilo augmente dans les rayons. Les changements de recettes sont quasi imperceptibles, on a de moins en moins d’ingrédients nobles alors que les prix dans les rayons augmentent parfois jusqu’à près de 50%. Mais jusqu’où iront-ils ainsi ? », s’indigne Audrey Morice, chargée de campagnes chez foodwatch. 

À l’échelle d’un produit, la diminution de quelques pourcents d’un ingrédient dit ‘noble’ – viande, poisson, huile, œuf - peut sembler dérisoire, mais pour une entreprise qui en produit des milliers voire des millions, cela peut représenter une sacrée différence. 

  • After Eight, Nestlé : Nestlé a ajouté différentes matières grasses végétales, dont de l’huile de palme - que de nombreux consommateurs cherchent à éviter - dans ses chocolats After Eight entre fin 2021 et 2024. Nestlé le justifie notamment par « le retravail de certaines de ses recettes ». Bien que le coût de l’huile de palme soit moins cher, le prix au kilo des After Eight a augmenté de 7.4 % sur la période, en tenant compte de l’inflation (prix constaté chez Carrefour). 
     
  • Bordeau Chesnel, spécialité charcutière au poulet rôti en cocotte : la quantité de viande de poulet a diminué de 5,5% (de 90% à 85%) entre 2021 et 2024. La graisse de canard a été remplacée par des huiles végétales tandis que l'origine de la viande, initialement française, est devenue européenne. En tenant compte de l'inflation, le prix au kilo du produit a lui augmenté de 31% chez Super U. L'industriel a indiqué avoir effectué ce changement dans le contexte de la grippe aviaire. En changeant de recette, même si la marque ne l’affiche pas, le Nutri-Score du produit passerait ainsi de D à E.
     
  • Findus, colin d’Alaska à la bordelaise : en avril 2023, Findus a diminué la quantité de chair de poisson de 75% à 71%. En parallèle, le prix au kilo du produit a augmenté de 47%, en tenant compte de l’inflation (prix constaté chez Auchan). Ce produit a aussi subi de la shrinkflation puisque son poids est passé de 400g à 380g sur la même période, rapetissant de 5%. La marque explique avoir retravaillé la recette pour tenir compte de l’évolution des attentes des consommateurs. foodwatch doute que les principaux intéressés aient pour « attente » de payer plus cher au kilo, pour un produit contenant moins de poisson.    
     
  •  Fleury Michon, bâtonnets ‘Le Moelleux’ : depuis le début de l’inflation alimentaire, Fleury Michon a diminué la quantité de chair de poisson de 11%, passant de 43% à 38%. Sur la même période, et en prenant en compte l'inflation le prix au kilo du produit a bondi de 40% (prix Auchan). Avec ce changement de recette, le Nutri-Score du produit changerait de B à C. D’après nos informations, la marque a indiqué avoir fait ces changements pour proposer un prix accessible sur ce produit sans faire de compromis sur la qualité des ingrédients. Pourquoi alors faire un compromis sur la transparence ? 
     
  • Maille, mayonnaise Fin Gourmets Qualité Traiteur : depuis le début de l’inflation, Unilever a diminué la proportion de jaunes d’œufs de 9.3% à 7% et y aurait augmenté la quantité d’huile pendant que le prix au kilo du produit, en tenant compte de l'inflation, augmentait de 12.16% (vu chez Intermarché). Unilever justifie ce changement par les « tensions sur le marché des œufs liées notamment à l’épidémie de grippe aviaire », et « à des difficultés d’approvisionnement ». 
     
  • Milka, cookies « choco » Sensations : entre avril 2022 et 2024, sur fond de dérogations accordées à l’industrie agroalimentaire en raison des pénuries de céréales à cause de la guerre en Ukraine, Mondelez a remplacé l’huile de tournesol par de l’huile de palme dans ces cookies. Mais une fois sifflée la fin des dérogations, en janvier 2024, la marque a continué d’utiliser de l’huile de palme, sans informer clairement les consommateurs et consommatrices du changement. L’huile de palme est moins coûteuse, pose un problème environnemental et ses acides gras saturés contribuent au mauvais cholestérol, sans oublier le risque cardiovasculaire. Le prix au kilo du produit – comparé chez Casino entre l’ancien format -182g - et le nouveau format et en prenant l'inflation en compte, mis en rayon en janvier 2024, - 208g - a augmenté de 27%. La marque indique à foodwatch que « le projet de retour à l'huile de tournesol est en cours de discussion en interne ». 

La cheapflation semble être une façon pour les fabricants de s’adapter aux crises : difficultés d’approvisionnement et hausse des coûts des matières premières sur fond de grippe aviaire, manque de céréales et explosion des prix suite à la guerre en Ukraine. C’est ainsi que se défendent les industriels interpellés par foodwatch. 

Audrey Morice de foodwatch commente : « Nous comprenons les difficultés d’approvisionnement des fabricants et leur droit de modifier leurs recettes. C’est l’opacité de la cheapflation qui fâche, doublée d’une hausse de prix qui fait mal en ces temps d’inflation. On a l’impression que les industriels maintiennent leurs marges sur le dos des consommateurs ». 

Méthologie : Il est quasiment impossible de prendre les industriels en flagrant délit de cheapflation. À ce jour, il n’existe aucune base de données recensant l’évolution des recettes et des prix des produits dans le temps : comme souvent lorsque notre équipe mène l’enquête, nous avons fait avec les moyens du bord. foodwatch, alertée par des consommateurs et consommatrices, s’est plongée dans la base de données ouverte Open Food Facts pour remonter le temps et identifier les évolutions de certaines recettes. L’association a ensuite identifié, dans les catalogues promotionnels des principaux supermarchés, les prix au kilo des produits dans leur ancienne recette, avant de les comparer, en les pondérant avec l’inflation, aux prix actuels. Nous avons ensuite demandé aux marques de confirmer ou infirmer nos constats. Pour identifier les éventuels changements de Nutri-Score des produits, nous avons comparé les tableaux nutritionnels des anciennes recettes, mis en ligne sur Open Food Facts, avec les tableaux nutritionnels des nouvelles recettes, disponibles sur le site des grandes enseignes, directement grâce à l’algorithme du Nutri-Score, en accès libre sur le site de Santé publique France. 

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