En finir avec le glyphosate : 37 organisations de la société civile prennent Emmanuel Macron au mot
foodwatch et Générations Futures lancent aujourd’hui, dans une coalition de 37 organisations de la société civile, une pétition qui cible le président de la République Emmanuel Macron afin que la France prenne position contre le renouvellement de l’autorisation du glyphosate dans l’UE, qui expire fin 2022. Les débats à ce sujet font déjà rage et les tensions montent. Les avis, études et scandales se succèdent en Europe comme outre-Atlantique. Pour les organisations associées à cette pétition, il n’y a plus à tergiverser : la molécule active déclarée du Roundup de Monsanto/Bayer est dangereuse pour la santé, les agriculteurs et l’environnement. Il faut l’interdire, enfin. Alors qu’Emmanuel Macron avait fait en 2017 la promesse – non tenue - de sortir du glyphosate en France « au plus tard » en trois ans, il a la responsabilité, avec la présidence française tournante de l’UE en janvier, de faire interdire ce pesticide toxique en Europe dès 2023.
foodwatch, Générations Futures et 35 organisations de la société civile ont décidé de prendre Emmanuel Macron au mot et le pressent avec une pétition commune de passer aux actes pour faire interdire le glyphosate dans l’UE. Le 4 septembre dernier à Marseille, au congrès mondial de l’Union internationale de conservation de la nature (UICN), le président français a déclaré fermement vouloir « porter une initiative de sortie accélérée des pesticides » lors de la présidence française de l’Union européenne qui débute dans quelques semaines, en janvier 2022.
Pour Karine Jacquemart, directrice générale de foodwatch : « Il est urgent de se mobiliser car c’est maintenant que tout se joue. Fin 2022, l’autorisation du glyphosate en Europe expire. Son interdiction devrait être évidente pour protéger la santé humaine et l’environnement, au vu des études connues, mais les lobbies font tout pour brouiller les pistes. On n’est donc pas à l’abri d’une mauvaise surprise et le rôle de la France va être essentiel ».
« La dangerosité du glyphosate est maintenant acquise pour les experts qui utilisent les données scientifiques publiées validées par la communauté scientifique, comme ceux du CIRC ou de l’Inserm. Mais le risque dans le dossier de réhomologation du glyphosate est que, comme par le passé, les agences européennes écartent ces données et s’appuient plutôt sur les études produites par les industriels, souvent contestables », alerte François Veillerette, de Générations Futures.
En 2015, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), agence de l’OMS, avait classé le glyphosate « cancérogène probable » pour l’homme (catégorie 2A), après une revue de nombreuses études scientifiques publiques. Le 30 juin 2021, le rapport multidisciplinaire de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) est venu renforcer l’analyse des risques du glyphosate sur la santé.
Les conclusions d’études crédibles telles que celles du CIRC ou de l’Inserm sur les risques que présente le glyphosate doivent de facto conduire les décideurs politiques à protéger les agriculteurs, la population et la planète en interdisant cette substance – ne serait-ce que par l’application du principe de précaution européen.
Or le lobby de l’agrochimie manœuvre pour tenter de brouiller les pistes sur la dangerosité du glyphosate. En fournissant leurs propres études, opaques, pour les dossiers de demande de renouvellement, les fabricants cherchent à créer du doute pour bloquer son interdiction. Après les scandales des "Monsanto papers" et de copiés-collés de rapports de l’industrie par des agences étatiques en 2017, une évaluation scientifique autrichienne publiée en juillet 2021 a démontré le manque de fiabilité des études sur le glyphosate fournies par l’industrie.
Pourtant, le risque d’un tel biais apparaît bel et bien dans le dossier d’évaluation du glyphosate pour une décision sur le renouvellement de son autorisation, ou non, en Europe après 2022. Le rapport d’évaluation du renouvellement (RAR) produit en juin par le groupe de quatre états missionnés pour étudier ce dossier (France, Hongrie, Pays-Bas et Suède) est en effet très inquiétant, laissant entendre que le glyphosate ne serait pas dangereux pour la santé et ouvrant la voie vers un possible renouvellement de l’autorisation du glyphosate en Europe. .
C’est ensuite l’EFSA (agence chargée de l’évaluation des risques dans le domaine des denrées alimentaires.) et l’ECHA (agence qui évalue la dangerosité des substances chimiques) qui devront se prononcer, après des consultations publiques en cours. Encore faudra-t-il que les études sur lesquelles ils appuieront leur avis soient transparentes et fiables.
La coalition de 37 organisations de la société civile rappelle qu’Emmanuel Macron avait déjà promis fin 2017 que la France sortirait du glyphosate en trois ans – promesse non tenue. Elles ne se contenteront donc pas à nouveau de grandes déclarations, comme à Marseille, mais exigent des actes. La présidence française du Conseil de l’Union européenne doit être l’occasion de porter publiquement cette sortie du glyphosate à l’échelle européenne dès la fin de 2022.
La pétition est lancée en France par les organisations suivantes : Foodwatch France, Générations Futures, Greenpeace France, Agir pour l'Environnement, Ligue contre le cancer, WECF, France Nature Environnement, FNE Auvergne-Rhône- Alpes, Amis de la Terre, ATTAC France, BLOOM, Combat Monsanto, Justice Pesticides, Confédération paysanne, CCFD-Terre-Solidaire, Réseau Action Climat, Union Nationale de l'Apiculture Française, Syndicat national d'apiculture, Terre d'abeilles, Terre & Humanisme, Cantine sans plastique France, Réseau Environnement Santé, FNAB, Mouvement de l'Agriculture Bio-Dynamique, SOL, Institut Veblen, Commerce équitable France, UFC Que Choisir, Ligue des droits de l’Homme, Ingénieurs sans frontières agriSTA, ActionAid France, Secrets Toxiques, WWF, SumOfUs, WeMove Europe, Campagne Glyphosate, Alerte des Médecins sur les Pesticides.
Sources :
- Pétition « En finir avec le glyphosate en Europe… enfin ! »
- Le CICR (Centre international de recherche sur le cancer), une agence de l’Organisation mondiale de la santé, a conclu en 2015 que le glyphosate est génotoxique et cancérogène pour l’animal et « cancérogène probable » pour l’homme. Le CIRC a fondé son analyse sur les études publiées par des chercheurs du monde académique dans les revues savantes.
- Publication de l’expertise collective Inserm - « Pesticides et effets sur la santé : Nouvelles données », 30 juin 2021
- Evaluation of the scientific quality of studies concerning genotoxic properties of glyphosate : une évaluation scientifique autrichienne publiée en juillet 2021 a démontré le manque de fiabilité des études sur le glyphosate fournies par l’industrie
- Réautorisation du glyphosate en Europe : la qualité des études réglementaires en cause : « La grande majorité des 53 études qui ont fondé l’opinion des autorités européennes sur la génotoxicité du pesticide ne remplissent pas les critères de conformité attendus, estiment deux toxicologues de renommée internationale. » in Le Monde (2 juillet 2021)
- Engagement d’Emmanuel Macron au congrès mondial de l’Union internationale de conservation de la nature (UICN) à Marseille le 4 septembre (vidéo) : « Je veux que sur ce sujet des pesticides, la présidence française de l’Union européenne porte une initiative, et je m’y engage ici, de sortie accélérée des pesticides »
- Le processus d’évaluation pour décider du renouvellement de l’autorisation ou non du glyphosate dans l’UE a débuté fin 2019. Des consultations publiques ont été lancées le 24 septembre 2021 et pour 60 jours par l’EFSA (agence chargée de l’évaluation des risques dans le domaine des denrées alimentaires) et l’ECHA (agence qui évalue la dangerosité des substances chimiques) portant sur le rapport d’évaluation du renouvellement (RAR) produit en juin par le groupe de quatre états missionnés : France, Hongrie, Pays-Bas et Suède.
- 74% des Français sont opposé.es au renouvellement de l’autorisation du glyphosate selon un sondage de Générations futures (voir page 7) publié le 24 septembre 2021