Actualités 01.08.2025

La Cour de justice de l'Union européenne annule la classification du dioxyde de titane comme substance cancérogène

Ce 1er août 2025, la Cour de justice de l'Union européenne a annulé la classification du dioxyde de titane comme substance cancérogène suspectée malgré un long processus d’évaluation scientifique, marquant ainsi la victoire des lobbies sur la protection de la santé publique dans la réglementation chimique. Un important recul qui ne profitera qu'aux industriels exploitant la substance. 

La Cour de justice de l'Union européenne a annulé la classification de 2020 de l'Union européenne du dioxyde de titane sous certaines formes en poudre comme suspecté d'être cancérigène en cas d'inhalation. Cette décision confirme une décision antérieure du Tribunal de l’UE, qui considérait que les autorités européennes avaient commis une « erreur manifeste » dans leur appréciation.  

« Ce verdict est une victoire pour les puissants lobbies industriels qui ont exercé une pression considérable sur les autorités européennes tout au long du processus de classification et ont refusé de fournir aux autorités des informations adéquates sur les formes nano du dioxyde de titane. C’est aussi un revers indéniable pour la santé publique. »
Natacha Cingotti Responsable des stratégies de campagnes chez foodwatch International

Le dioxyde de titane est une substance utilisée sous diverses formes à travers secteurs industriels (cosmétiques, médicaments, peintures). Son usage comme additif alimentaire a récemment été interdite au niveau européen à cause de ses possibles effets sur la santé et reste en vigueur malgré ce jugement. 

Le jugement rendu ce 1er août 2025 fait suite à un pourvoi de la part de la Commission européenne et des autorités françaises après l'annulation de la classification par le Tribunal de la Cour en 2022. 

L'industrie remporte la bataille malgré les preuves scientifiques sur le risque de cancer

La bataille juridique a débuté lorsque plusieurs groupes industriels ont contesté la classification adoptée par la Commission européenne en 2020 en vertu du règlement 1272/2008 de l'UE sur la classification, l'étiquetage et l'emballage des produits chimiques (CLP). Cette classification du dioxyde de titane comme substance cancérogène suspectée était fondée sur un avis scientifique de l'Agence européenne des produits chimiques (ECHA), s’appuyant sur les preuves scientifiques disponibles pour justifier un risque de cancer pour les humains lié à l'inhalation de certaines formes de particules de dioxyde de titane.  

Les industriels ont plaidé une erreur manifeste dans l’évaluation des autorités auprès du Tribunal pour faire annuler la classification, lequel leur a donné raison en 2022. Ce verdict était surprenant dans la mesure où les juges avaient donné leur avis sur l’évaluation scientifique même des autorités, alors que leur contrôle n’est censé se limiter qu’à l’aspect juridique de la procédure ayant conduit à la classification de danger.  

En février 2025, l’avis de l’Avocate générale de la Cour recommandait le maintien de cette classification comme cancérogène suspecté par l’ECHA et concluait que le tribunal de première instance avait outrepassé ses compétences de contrôle juridique en donnant son avis sur l'évaluation scientifique sous-jacente à la classification, qui n'est pas de son ressort. De plus, cet avis confirmait que l'agence européenne des substances chimiques (ECHA) avait bien appliqué le concept de poids de la preuve dans son traitement des différentes études scientifiques l'ayant mené à sa conclusion sur les propriétés cancérogènes suspectées de certaines formes poudrées de la substance par inhalation en 2019. 

foodwatch regrette que la Cour n’ait pas suivi cet avis et s’inquiète d’un verdict qui apparait comme contradictoire. En effet, la Cour reconnait que le Tribunal a dépassé les limites de son contrôle juridictionnel, tout en maintenant pourtant sa décision d'annuler la classification de la substance.  

Dioxyde de titane : un dangereux précédent juridique

Cette décision pourrait créer un dangereux précédent pour les futures batailles juridiques sur les identifications réglementaires des produits chimiques, dans les cas où les industriels ne seront pas d’accord avec les décisions des régulateurs à la suite d'évaluations complexes. Dans le cas du dioxyde de titane, il est important de rappeler que les groupes industriels ont refusé pendant des années de fournir à l'ECHA des informations adéquates sur les formes nano de la substance, ce qui a considérablement entravé leurs évaluations. On peut s'attendre à ce que cette situation se reproduise à l'avenir, en particulier pour les nanomatériaux. Cette jurisprudence pourrait compromettre la capacité de l'UE à protéger la santé publique contre les substances dangereuses.  

Le règlement sur la classification, l'étiquetage et l'emballage des produits chimiques (CLP) est une pierre angulaire de la protection des consommateurs et des travailleurs. Ses classifications permettent d'harmoniser l’identification de danger, l'étiquetage et l'emballage tout au long de la chaîne de production et peuvent servir de base à des restrictions dans les réglementations sectorielles (par exemple : les cosmétiques, les jouets...).  
 

Le dioxyde de titane reste interdit dans l’alimentation

Si l'arrêt concerne la classification des dangers de la substance, son étiquetage et son emballage tout au long de la chaîne de production, il n'affecte pas les interdictions existantes comme l’interdiction de l'utilisation du dioxyde de titane dans les additifs alimentaires. Cet additif, connu sous le nom de E171, a été interdit dans toute l'UE en 2022 à la suite d'une évaluation des risques réalisée par l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), qui a conclu que sa sûreté ne pouvait être garantie, notamment en raison de l'impossibilité d'exclure le risque de génotoxicité. 

Cet arrêt nous rappelle clairement que la bataille entre les intérêts industriels et la protection de la santé publique est loin d'être terminée dans le domaine de la réglementation européenne sur les produits chimiques.  

Sources