Le principe de précaution menacé par CETA et TAFTA : pourquoi c'est grave

Le principe de précaution menacé par CETA et TAFTA : pourquoi c'est grave

Les promoteurs des traités CETA et TAFTA ne manquent pas d'imagination lorsqu’il s’agit de mettre à mal le principe de précaution. Cette idée selon laquelle une substance ou un procédé peut être interdit s’il existe un doute fondé sur son innocuité est pourtant l’un des atouts majeurs de l’Union européenne en matière de protection des citoyens et de leur santé.

En Europe, le principe de précaution a permis à de multiples reprises de prendre des mesures visant à protéger les citoyens face à des risques potentiels, particulièrement dans le domaine de l’alimentation. En France, le principe de principe de précaution a même valeur constitutionnelle depuis 2005. Il est donc très inquiétant que les traités CETA et TAFTA évoquent à peine ce principe fondamental qui a des répercussions bien concrètes sur ce qui finit dans nos assiettes. On vous le prouve en trois exemples.

Vache folle : le cas d’école

Un arsenal de mesures a été mis en place après la crise de la vache folle. C’est déjà le principe de précaution qui avait permis d’imposer un embargo rapide sur la viande britannique en 1998, au plus fort de l’épidémie. À ce moment-là, les scientifiques débattaient encore pour savoir si la maladie était transmissible de l’animal à l’humain. Mais la Cour européenne de justice a choisi de soutenir la proposition d’embargo de la Commission, en se référant explicitement au principe de précaution. Les années passant et le nombre de cas reculant, certains ont été tentés de baisser la garde. C’est le cas de la Commission européenne, qui dans une affaire de transmission des encéphalopathies spongiformes (le nom scientifique de la « vache folle ») avait adopté une décision visant à assouplir la réglementation en la matière, sur la base d'un avis de l'EFSA (Autorité européenne de sécurité des aliments). Or le juge saisi sur cette affaire a estimé que la Commission avait fait une lecture pour le moins optimiste de l'avis formulé par l’EFSA. Il a donc invoqué le principe de précaution pour maintenir les réglementations en vigueur.

Les antibiotiques en élevage

En 1998, l’UE interdit « par précaution » l’utilisation de quatre antibiotiques pour les animaux. Pendant près de 20 ans, ces antibiotiques produits par la multinationale Pfizer ont été administrés à des porcs, poulets et autres veaux afin d’accélérer leur croissance. Mais ils entraînent une antibiorésistance, c’est-à-dire une résistance aux bactéries que de nombreux scientifiques estiment transmissible à l’homme. À terme, celle-ci peut anéantir l’efficacité de certains traitements. Le risque, même s’il n’est pas « immédiat », est jugé suffisamment sérieux pour que le Conseil interdise purement et simplement ces antibiotiques. Cette décision sera contestée par Pfizer devant la Cour de justice de l’Union européenne en 1999, en vain. En somme, pas besoin d’un mort pour prendre des mesures visant à préserver l’efficacité des médicaments sur les humains.

Le bœuf aux hormones

Les États-Unis ont approuvé dès 1954 l’administration de plusieurs hormones de croissance au bétail, dont la somatotropine bovine (STB), naturellement produite mais qui peut également être synthétisée (hormone de croissance artificielle). Or dans l’Union européenne, il est interdit d’administrer ou de mettre sur le marché cette substance. Et c’est bien au nom du principe de précaution que l’UE a adopté cette position diamétralement opposée à celle de son partenaire états-unien. Car la somatotropine, qui a pour seul but d’améliorer les rendements des vaches laitières, peut affecter durablement la santé des animaux auxquels on la prescrit. Le principe de précaution peut donc également être au service du bien-être animal, source de préoccupation grandissante parmi les consommateurs européens.

Le Canada, un des plus grands producteurs d’OGM au monde, a en ligne de mire depuis de nombreuses années les règles d’autorisation des OGM et le principe de précaution européens, jugés trop restrictifs. Pour preuve, le Canada a dénoncé cette réglementation devant l’Organisation mondiale du Commerce (OMC). En 2009, un accord a été trouvé, prévoyant un mécanisme de dialogue sur cette question. C’est ce que le CETA promet au Canada dans l’article 25.2 « sur les questions de l’accès au marché de la biotechnologie ».

Le rapport de la Commission Schubert remis au Gouvernement le 8 septembre est on ne peut plus clair sur ces risques : « Le CETA est un accord dit vivant. […] Son contenu sera précisé et complété par les institutions de coopération qu’il crée », ce qui « entraîne inévitablement des incertitudes et des risques » (page 5), et complète en précisant que « les biotechnologies [c‘est-à-dire les OGM] constituent également un point qui nécessite de la vigilance » (page 47).

Dernière mise à jour : le 06/11/2017