Actualités 11.05.2021

Les huiles d’olive, vierges de tout soupçon ?

« Vierge extra » ou « extra vierge » : quel que soit l’ordre de ces deux mots, ils sont synonymes de qualité supérieure au rayon des huiles d’olive. Pourtant, sept références de marques italiennes viennent d’être déclassées suite aux révélations du magazine transalpin Il Salvagente : les huiles en question n’étaient pas aussi extra vergine qu’elles le prétendaient… Un scandale qui fait écho à la situation en France, où les résultats des contrôles des autorités  montrent des non-conformités dans un cas sur deux, mais les noms des marques sont tenus secrets. 

Des tests formels

La Badia, il Saggio Olivo, De Cecco, Colavita, Carapelli, Pietro Coricelli, Cirio : certaines de ces marques vous sont peut-être connues. Elles vendent dans des supermarchés italiens des huiles d’olive extra-vierges au moins 30% plus chères que les huiles d’olive vierges. On les retrouve aussi parfois en France, dans certains supermarchés ou des épiceries spécialisées.
Des bouteilles qui promettent un niveau élevé de qualité et qui inspirent a priori confiance, donc. Sauf que la réalité est bien différente de ce que l’on peut lire sur leurs étiquettes !

Vous avez dit « extra » ?

Contrairement aux huiles d’olive dites « vierges » de moindre qualité et « lampantes » impropres à la consommation humaine, une huile d’olive « extra vierge » est plus fruitée, sans défaut sensoriel et présente un taux d’acidité inférieur à 0,8%.
Des caractéristiques physico-chimiques et organoleptiques qui sont encadrées par la réglementation. Les huiles "extra vierges" sont soumises à des tests chimiques et un test de dégustation par un panel d’expert.es certifié.es par les autorités.

Passées au banc d’essais par le magazine italien Il Salvagente, 7 références extra vergine vendues par ces marques ont été démasquées et donc déclassées : elles ne respectent pas la réglementation et ne peuvent afficher la mention « extra vierge ». Sur un total de quinze huiles testées par le mensuel transalpin, nous ne sommes pas loin des 50% de non-conformités… un chiffre proprement hallucinant sur un tel produit !

Les résultats des tests sont pourtant incontestables : les huiles ont été passées au crible par deux laboratoires accrédités pour les tests physico-chimiques (acidité, indice de peroxyde, teneur en acides gras et composition en stérols). Le troisième laboratoire, chargé d’évaluer l’absence de défauts organoleptiques (test sensoriel), n’est autre que le laboratoire de l’Agence des douanes et monopoles à Rome, qui travaille aussi pour la Répression des fraudes italienne. C’est ce dernier test qui a mis en évidence, entre autres, un goût de rancissement, moisissure ou humidité entraînant la déclassification des huiles correspondantes.

Une vérité qui dérange ?

Malgré ces analyses irréfutables, les marques concernées rejettent les accusations :

Les marques visées […] affirment que leurs huiles sont bien vierge extra. Certaines rejettent la faute sur le transport ou le stockage.
Enrico Cinotti rédacteur en chef adjoint d’Il Salvagente

Pour certaines d’entre elles, ce n’est pas la première fois qu’elles se font prendre la main dans le sac par le magazine italien. En 2015, une étude menée sur 20 références en avait épinglé 9 pour le même motif.
Ces premières révélations avaient débouché sur une enquête pénale avec des sanctions pour les marques Carapelli, Bertolli, Sasso, Primadonna (Lidl), Coricelli, Santa Sabina et Antica Badia (Eurospin). Mais Lidl et Coricelli avaient gagné en appel.

Six ans plus tard avec ces nouveaux tests, Il Salvagente fait cette fois l’objet de menaces de représailles légales de la part de deux fabricants. La vérité dérangerait-elle ?

Transparence : la France à la traîne

De l’autre côté des Alpes en tout cas, elle semble déranger.
Certaines des huiles testées en Italie ont été vendues en Allemagne, en Belgique… et aussi chez nous, en France. En supermarchés, en ligne, en épicerie spécialisée… pourtant, nous ne savons pas si des lots frauduleux ont franchi les frontières.

L’huile d’olive fait partie des produits les plus fraudés . Les contrôles menés par la DGCCRF (Répression des fraudes) dans l’hexagone en 2018, sur 227 établissements et 126 prélèvements, ont mis en évidence un taux de non-conformité de 49% des produits : autant dire, un sur deux. Un chiffre qui entre tristement en résonance avec les résultats des tests menés en Italie…

Les autorités attendent-elles le prochain scandale alimentaire pour réagir ?

Au-delà de l’huile d’olive, notre enquête « Manger du faux pour de vrai » a démontré que la fraude alimentaire n’épargnait potentiellement aucun produit, aucun rayon. Avec chaque fois, le même constat implacable : les autorités savent, mais ne communiquent pas.
Marques, références, lots, lieux de vente… ces informations sont le plus souvent tenues secrètes et vous n’y avez pas accès. Une opacité qui sème finalement le doute sur tous les produits !

Afin de faire bouger les choses, plus de 25 000 personnes ont déjà signé notre pétition et réclament davantage de transparence. Les ministres de l’Economie et de l’Agriculture, interpellés, font pour l’instant la sourde oreille… vous nous aidez à les pousser à prendre le sujet au sérieux  ?

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