Dans cette affaire de fraude massive, Nestlé a failli s’en sortir comme si de rien n’était. Suite à la plainte déposée par foodwatch en février 2024, le Procureur d’Epinal en charge du dossier a proposé une Convention judiciaire d’intérêt public, une transaction financière qui permet à l’entreprise visée de s’en sortir en payant une simple amende. On nous proposait de « chiffrer notre préjudice » et de mettre ainsi fin à toute possibilité de procès. Un moyen de tenter de nous faire taire, mais c’est bien mal nous connaître… foodwatch contre-attaque avec des nouvelles révélations et deux nouvelles plaintes.
Non à l’argent de Nestlé : nous ne sommes pas à vendre
Juste avant l’été, le parquet d’Epinal a décidé de clore le dossier à l’encontre de Nestlé Waters Grand Est par le biais d’une Convention judiciaire d’intérêt public (CJIP). En bref, en sortant un chèque d’environ 3.5 millions d’euros, une somme équivalente à deux heures et demie de son bénéfice net en 2023, Nestlé échappe à toute poursuite. Il a été proposé à foodwatch de participer à cette CJIP, et donc de se contenter d’une compensation financière de la part de Nestlé, en chiffrant le “préjudice” subi. Une véritable tentative de mettre l’affaire sous le tapis, laissant l’ensemble de nos questions sans réponse. foodwatch s’est opposée ouvertement à cette Convention et a refusé l’argent de Nestlé, car cette procédure qui permet à cette multinationale et aux autorités de s’en sortir sans rendre de comptes ne satisfait en rien notre soif de justice et de transparence.
L’argent n’achètera pas notre silence et n’éteindra pas notre détermination. Nous refusons le chèque qui permettrait aux responsables de Nestlé Waters de s’en sortir en toute impunité. Compte tenu de la gravité pénale des faits et de l’ampleur inédite de la fraude aux eaux en bouteille en France et dans le monde depuis des décennies, nous voulons que Nestlé Waters rende des comptes aux consommateurs trompés et soit jugée de manière exemplaire », commente Ingrid Kragl, experte des questions de fraude chez foodwatch.Directrice de l'information foodwatch France
Pour rappel : un tiers au moins des eaux en bouteille vendues en France ont subi des traitements non autorisés, dont St-Yorre, Vichy Célestins ou Chateldon commercialisées par le groupe Sources Alma (qui produit l’eau en bouteille la plus vendue en France, Cristaline) ainsi que Perrier, Vittel, Hépar et Contrex, qui appartiennent au groupe Nestlé Waters. Des milliards de bouteilles frauduleuses qui n’avaient plus rien d’une eau minérale naturelle ou de source ont été vendues en France, en Europe et dans le monde par des entreprises qui se croient au-dessus des lois et ce, sans jamais informer les consommatrices et consommateurs.
Des nouvelles révélations s’ajoutent au dossier
D’après Mediapart, qui a eu accès au rapport d’enquête de Bercy remis au procureur d’Epinal, « les investigations du service national d’enquête de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) établissent que, pour ses eaux commercialisées sous les marques Contrex, Hépar et Vittel, Nestlé a eu recours à des traitements interdits depuis au moins 2005, voire 1993 pour certaines ». Trente ans de tromperie : ce n’est pas un détail que l’on peut balayer du revers de la main.
Dans sa deuxième plainte, foodwatch revient également à la charge concernant le groupe Sources Alma. Nous avons la preuve que dans le but de commercialiser ses eaux plus rapidement, l’entreprise a ajouté depuis les années 80 du sulfate de fer pour traiter les eaux de ses sites de St-Yorre et Vichy Célestins. L’objectif de ce procédé illégal ? Se débarrasser de l’arsenic, souvent présent dans l’eau, et qui doit normalement décanter naturellement..
Quarante ans de tromperie ? Alors que Sources Alma, qui commercialise Cristaline, l’eau la plus consommée en France, a affirmé dans la presse n’utiliser aucun traitement non-conforme, foodwatch détient les preuves qu’elle a eu recours à des techniques de filtration et de désinfection illégales. Et ce n’est pas tout : Sources Alma a ajouté du gaz carbonique dans son eau « d’exception » Chateldon soi-disant ‘naturellement gazeuse’ depuis au moins 2008, sans jamais en informer les consommatrices et consommateurs bien entendu.
Ce jeudi 26 septembre à 20h55, retrouvez foodwatch dans "Envoyé Spécial" sur France 2 pour une émission dédiée à cette affaire.
foodwatch dépose deux nouvelles plaintes
Si Nestlé pensait l’affaire close avec la décision du tribunal et que le Groupe Alma pensait être passé entre les gouttes, c’était sans compter sur notre détermination. foodwatch contre-attaque et dépose ce mercredi 25 septembre deux nouvelles plaintes contre Sources Alma et Nestlé Waters, cette fois avec constitution de partie civile. Coûte que coûte, notre objectif est d’amener les multinationales de l’eau en bouteille à rendre des comptes. Les infractions, dont la tromperie, sont encore plus musclées que dans notre précédente plainte en février.
Nous avons besoin de vous pour tenir la distance !
Porter plainte dans ce genre de scandales est un combat de longue haleine, que notre association 100% indépendante ne peut mener que grâce à votre soutien financier.
Pourquoi nous soutenir de manière régulière ? Faire un don régulier, même à hauteur de 5€/mois, c’est nous donner les moyens d’agir sur la durée, afin d’obliger Nestlé Waters et Sources Alma à répondre de leurs actes. Merci pour votre soutien !
En savoir plus :
On a encore plein de sujets sur le feu : aidez-nous à continuer !
foodwatch est une association 100% indépendante qui refuse tout financement public ou dons d’entreprises qui pourraient présenter le moindre conflit d’intérêt. Ce sont donc vos dons qui garantissent notre liberté de parole et d’action pour enquêter, lancer l’alerte et faire bouger les choses. Ensemble, notre voix compte. Merci !