Actualités 21.07.2021

Oxyde d’éthylène : un scandale dans le scandale évité de justesse

Un grand soulagement, un brin de fierté et une bonne dose de consternation. C’est ce que l’équipe de foodwatch a ressenti en apprenant, vendredi 16 juillet, que la Commission européenne avait enfin décidé de faire appliquer sa règlementation par tous les Etats européens : les produits contenant de la caroube (additif E410) contaminée à l’oxyde d’éthylène (pesticide cancérogène, mutagène et reprotoxique interdit en Europe) devront tous être retirés du marché européen. Décision qui aurait dû être évidente. Et pourtant, nous avons dû nous démener pour l’obtenir. Explications.

C’est quoi ce scandale de l’oxyde d’éthylène ?

Souvenez-vous. Il y a quelques semaines, nous lancions l’alerte à propos de l’oxyde d’éthylène. Ce pesticide cancérogène, mutagène et reprotoxique est interdit en Europe. Pourtant, depuis plusieurs mois, voire des années, il a été utilisé sur des milliers de produits alimentaires présents sur le marché européen. Comment est-ce possible ? Des producteurs indiens ont fraudé en exportant vers l’Europe du sésame traité à l’oxyde d’éthylène. Ils savaient que c’était interdit mais qu’il n’y aurait probablement pas de contrôles.

Si la fraude a été mise à jour avec des graines de sésame d’Inde, les contrôles ont fini par révéler un scandale d’une ampleur bien plus vaste. Des importations du Vietnam, de Chine, de Jordanie ou encore de Turquie étaient également contaminées à l’oxyde d’éthylène. Du sésame aux glaces en passant par le poivre, gingembre, échalotes, café, pain, biscuits, plats préparés... la liste des produits concernés, bio et non bio, ne cesse de s’allonger.

En France où le principe de précaution a été strictement appliqué, près de 7.000 lots d’aliments contaminés ont été rappelés depuis l’automne 2020. Mais tous les pays européens n’appliquaient pas cette règle et un scandale dans le scandale menaçait.

Fin juin, plusieurs pays européens voulaient arrêter des rappels de produits contaminés

Le 28 juin dernier, nous avons dû tirer la sonnette d’alarme. Nous avions appris que les autorités françaises commençaient à dire aux fabricants et distributeurs qu’il y aurait un possible relâchement dans ces rappels de produits contaminés. Pourquoi ?

D’après plusieurs documents que foodwatch a pu consulter, certains pays européens militaient pour laisser s’écouler sur le marché de l’UE des produits qui contenaient des ingrédients traités illégalement à l’oxyde d’éthylène, comme le sésame ou la caroube, sous prétexte que la contamination du produit fini était en-dessous du seuil détectable. Les désaccords au sein de l’Europe ont donné lieu à de longs débats : fallait-il vraiment respecter la réglementation à la lettre comme la France l’a fait et rappeler dans tous les pays des milliers de produits ?

Pour foodwatch, la question ne se posait même pas. Nous avons donc décidé de mettre un coup de projecteur sur ces négociations de couloirs afin de les faire échouer. Nous avons enquêté et alerté, nous avons écrit à Bercy, à la Commission européenne et même interpellé les gouvernements en Allemagne et aux Pays Bas via les bureaux de foodwatch dans ces pays. Résultat : la gestion du scandale de l’oxyde d’éthylène est ainsi sortie de l’ombre et les décideurs européens se savaient observés.

Finalement, rappel de tous les produits contaminés à l’oxyde d’éthylène

Vendredi 16 juillet, la décision très attendue de la Commission est enfin tombée : oui, tous les États membres vont devoir garantir la sécurité sanitaire des Européen.nes et rappeler massivement les produits concernés par la contamination à l’oxyde d’éthylène, y compris ceux contenant de la caroube (E410) contaminée. 

Notre équipe est donc soulagée. Soulagée mais aussi profondément consternée.

Consternée d’avoir à se battre pour obtenir ce qui devrait être une évidence : faire primer la santé des citoyen·nes et faire appliquer la loi.

Consternée aussi par l’origine de ce scandale : le manque de contrôles sur les produits alimentaires est criant. Et les choses ne vont pas en s’arrangeant. Selon Solidaires CCRF & SCL, syndicat majoritaire de la répression des fraudes, le nombre d’agents de contrôle est ainsi passé de 3 378 en 2009 en France à 2 713 en 2019.

Consternée enfin par le manque évident de transparence et d’informations pour les citoyen·nes sur cette crise sanitaire. Avec nous, demandez les mesures indispensables pour éviter un nouveau scandale, signez et diffusez notre pétition.

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