Actualités 02.06.2022

Flambée des prix de l’alimentation : les spéculateurs de la faim sont de retour

Vous l’avez probablement remarqué en faisant vos courses, les prix des aliments bondissent. La guerre en Ukraine n’est pas la seule en cause : en boursicotant, les spéculateurs financiers alimentent cette flambée des prix dans le but de faire des profits. Une intolérable pratique qui atteint directement notre droit à l’alimentation. Engagée contre la spéculation alimentaire depuis plus de dix ans, foodwatch milite pour des règles européennes plus strictes.


C’est une pratique qui fait autant bondir foodwatch que les prix des denrées alimentaires. Et ils ont bien bondi mondialement : 30% plus élevés qu'il y a un an selon la FAO . Si la guerre en Ukraine et les craintes de pénurie qu’elle provoque est souvent citée pour expliquer le phénomène, foodwatch remet un coup de projecteur sur un grand oublié : la spéculation alimentaire. Nous l’évoquions dès notre premier décryptage sur les potentiels effets de la guerre en Ukraine sur l’alimentation. 

Le phénomène est malheureusement bien là. Avec la guerre en Ukraine, des milliards d’euros et de dollars ont afflué dans des fonds qui spéculent sur la nourriture. Ces investisseurs achetent en prévision d’une tension du marché et d’une montée des prix. Leur but ? Revendre au plus haut. Cet appétit du gain alimente alors un cercle vicieux : cela amplifie la montée des prix et les tensions d’approvisionnement. 

Pour prendre la mesure du phénomène, le réseau de recherche hollandais Lighthouse a ainsi analysé l’activité de deux grands fonds d’investissements  qui négocient dans l’alimentation. Quand, en 2021, c’est un peu moins de 200 millions d’euros qui ont été investis, c’est 6 fois plus pour les quatre premiers mois de 2022. Il y a clairement de l’argent à se faire. 

Mais pour quelles conséquences ? Ici même en France, certains réduisent leur épargne pour pouvoir faire face à la montée des prix, d’autres rongent sur d’autres budgets, sacrifient des activités. Pour les plus démunis, c’est leur droit à l’alimentation qui est directement affecté. Notre droit à pouvoir manger. Dans certains pays comme au Soudan ou au Yémen, les tensions sont encore plus vives qu’ici. Les Nations unies alertent également sur les conséquences de ces paris financiers. Le "Programme alimentaire mondial" de l'ONU, par exemple, affirme avoir besoin d'environ 50 % de fonds supplémentaires par rapport à 2019.

Les spéculateurs de la faim sont de retour. Ils avaient profité de la crise de 2008, à l’origine des émeutes de la faim. Il est temps que les famines ne soient plus jamais un investissement financier rentable. Il est temps que l’UE et les gouvernements mettent en place un encadrement bien plus efficace contre ces boursicotages. L’alimentation n’est pas une marchandise. C’est un droit.
Karine Jacquemart Directrice Générale de foodwatch France

Spéculation alimentaire : la Commission européenne et le gouvernement américain doivent renforcer les règlementations

Pendant des années, l'UE et les États-Unis ont préféré laisser faire plutôt que pousser leurs autorités de surveillance des marchés financiers à mettre en place des instruments efficaces pour limiter la spéculation. Après la crise de 2008, quelques limites ont été fixées par l’Union européenne mais elles se révèlent trop laxistes et ne luttent toujours pas efficacement contre la spéculation alimentaire. 

En 2011, foodwatch avait déjà publié des recherches approfondies sur la spéculation alimentaire dans le rapport "Les spéculateurs de la faim" . 

Pour foodwatch, il est urgent d’enfin lutter contre cette spéculation alimentaire en apportant : 

  • De la transparence : qui a quelles réserves de céréales ? La disponibilité de cette information est le seul moyen de contrer la peur des pénuries qui alimentent les tensions de prix.
  • Une limitation du nombre absolu de contrats à terme sur les matières premières conclus à des fins spéculatives. Pour obtenir ces barrières commerciales efficaces au sein de l’UE, des « limites de position » doivent être établies.  Cela a jusqu'à présent échoué en raison de l'influence du lobby financier. 

Vous avez aimé cet article ? On a encore plein de sujets sur le feu : aidez-nous à continuer !

foodwatch est une association 100% indépendante qui refuse tout financement public ou dons d’entreprises qui pourraient présenter le moindre conflit d’intérêt. Ce sont donc vos dons qui garantissent notre liberté de parole et d’action pour enquêter, lancer l’alerte et faire bouger les choses. Ensemble, notre voix compte. Merci !

Je fais un don