Actualités 24.10.2022

Lactalis : Disclose révèle que les ingrédients d’un nouveau scandale alimentaire sont toujours réunis

©Disclose

Plus de quatre ans après le scandale du lait pour bébés contaminé à la salmonelle, plusieurs usines du géant Lactalis, numéro un mondial du lait, sont aujourd’hui épinglées par l’ONG et média indépendant d'investigation Disclose. Hygiène déplorable, recyclage du lait, pratiques commerciales trompeuses : Disclose a obtenu des documents de contrôles officiels attestant de nombreuses non-conformités. Et pourtant, selon cette enquête, les rappels sur ces produits sont rares ou inexistants. 

Manquements à répétition

Lait pour bébés Celia ou Picot, emmental Président, Saint-Marcellin et Saint-Félicien de marque « Etoile du Vercors » : diverses usines du groupe Lactalis où sont fabriqués ces produits ont fait l’objet de « remontrances » ces dernières années, d’après les documents que Disclose s’est procuré . Récemment des bûches de chèvre Président ont même dû être rappelées  suite au risque de présence de morceaux métalliques dans les fromages produits dans son usine de Riblaire (Deux-Sèvres).

On aurait espéré que le scandale du lait pour bébé Lactalis contaminé à la salmonelle (2017) – 8000 tonnes de lait exporté dans plus de 85 pays - servirait d’électrochoc et que la sécurité alimentaire serait devenue une priorité pour le groupe. Malheureusement, le détail obtenu par Disclose des comptes-rendus d’inspections officielles qui ont eu lieu les années suivant ce scandale, dans d’autres usines du même groupe, fait froid dans le dos.

Par exemple, Disclose révèle ainsi que la maîtrise des risques sanitaires au sein de « l’usine de Saint-Just-de-Claix (Isère), où Lactalis fabrique le Saint-Marcellin et le Saint-Félicien vendus sous la marque « Etoile du Vercors », a été jugée « insuffisante » en 2018. Une mise en demeure plus tard, fin 2019, ne semble pas avoir eu d’effet puisque « les mêmes manquements sont constatés l’année suivante, en décembre 2019. La « maintenance des locaux » est jugée déplorable ».

Un rapport d’inspection de la répression des fraudes (DGCCRF) sur l’usine de Craon (Mayenne) daté d’octobre 2018, soit un mois après l’autorisation de réouverture précipitée de l’usine suite au scandale du lait infantile contaminé à la salmonelle, « a relevé des non-conformités sur des boîtes de lait pour bébé de la marque Celia ». En cause ? La présence d’additifs alimentaires dans la poudre, sans « aucune justification » ni garantie que les limites autorisées aient été respectées, ainsi que des teneurs en vitamines B12 et D supérieures à la valeur réglementaire », indique Disclose .

Un rapport d’inspection de 2018 sur l’usine de Charchigné, en Mayenne (Pays de la Loire) fait, lui, état de plusieurs plaintes de consommateurs et consommatrices dénonçant la présence « d’éléments en plastique dans les sachets d’emmental Président ». Or, « malgré l’existence d’un risque grave pour « la santé humaine », aucune procédure de retrait-rappel n’a été déclenchée, comme la loi l’y oblige. Quant aux services de l’Etat, ils n’ont pas été prévenus. Compte tenu du niveau de gravité de l’incident, conclut le rapport, ce fait constitue un manquement. Un de plus », dévoile toujours Disclose. 

Le groupe Lactalis a répondu à Disclose que « Ces rapports font mention de sujets de natures très différentes ; les additionner n’a aucun sens ».

Intérêt du consommateur vs secret commercial

Caviardés : c’est ainsi que les documents sur les contrôles officiels dans les usines du groupe Lactalis demandés par Disclose à la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes (DGCCRF) et la direction générale de l'Alimentation (DGAL) leur sont parvenus. 
Des passages mentionnant une « non-conformité », même mineure, ont été censurés, biffés, au nom du « secret commercial ». C’est grâce à un lanceur d’alerte anonyme que Disclose a pu aujourd’hui faire ces révélations. 

Geoffrey Livolsi, rédacteur en chef de Disclose explique : « Alors que plusieurs scandales sanitaires ont éclaboussé des entreprises de l’agroalimentaire en 2022, la volonté d’entraver le droit à l’information du public sur les pratiques de Lactalis sème le doute sur la volonté de l’Etat de renforcer le contrôle sur les industriels. Sans la transmission par une source anonyme de dizaines de rapports d’inspection, notre enquête dévoilant les nombreux manquements à la réglementation du géant laitier n’aurait pas pu exister ». 

La plainte de foodwatch

foodwatch, aux côtés de parents d’enfants victimes, a porté plainte dans le scandale du lait infantile contaminé à la salmonelle qui a éclaté en décembre 2017 : la salmonelle était réputée présente dans l’usine depuis 2005, nous avons listé pas moins de 12 infractions dans cette affaire.  

Encore récemment, les scandales Buitoni et Ferrero  ont montré que, comme dans le cas de Lactalis, l’alimentation saine et sans risques pour laquelle se bat foodwatch au quotidien ne pourra pas exister tant que l’on comptera uniquement sur la (bonne) volonté des multinationales d’adopter des pratiques sanitaires, environnementales et sociales vertueuses. La confiance aveugle doit être remplacée par un cadre réglementaire contraignant qui impose ces normes aux géants de l’agroalimentaire.

Opacité, impunité, ça suffit ! Exigeons des autorités qu’elles renforcent la traçabilité, les contrôles, les sanctions et, surtout, la transparence des informations pour tout ce qui concerne notre alimentation. Il est temps de briser la chaîne des scandales alimentaires, qui se répète au détriment de notre santé.  

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