Actualités 31.01.2024

Scandale des eaux Cristalline, Perrier, Saint-Yorre, Vittel.... filtrées illégalement : foodwatch va porter plainte

La cellule d’investigation de Radio France et le journal Le Monde révèlent ce lundi 29 janvier comment des géants de l’eau en bouteille – Nestlé Waters (Vittel, Hépar, Perrier, etc.) et Alma (Cristalline, Saint-Yorre, Courmayeur, etc.) – auraient eu recours à des systèmes de traitement de leurs eaux minérales interdits par la réglementation. D’après cette enquête, le gouvernement était au courant. C’est une tromperie pour les consommateurs et consommatrices, qui n’en n’ont rien su. foodwatch va porter plainte et demande des comptes à l’État. Retour sur un scandale alimentaire qui en dit long sur l’impunité de ces multinationales qui se croient au-dessus des lois.

Utilisation illicite de traitements de décontamination par des géants de l’eau en bouteille

L’affaire a fait la une de l’actualité : leurs eaux minérales n’étant plus pures, plusieurs grandes marques - Contrex, Cristalline, Hépar, Perrier, Saint-Yorre, Vichy, Vittel - auraient eu recours à des systèmes de traitement de l’eau tels que des filtres à charbon ou des filtres UV. Problème : il s’agit de traitements illicites, dont les eaux minérales ne doivent pas faire l’objet, car elles sont censées étant pures. 

D’après cette enquête signée le Monde et Radio France, l’affaire démarre en 2020 lorsqu’un ancien salarié du groupe Alma signale des pratiques suspectes auprès de la Direction générale de la Répression des Fraudes (DGCCRF), observées dans une usine de ce groupe qui commercialise les marques Cristalline Saint-Yorre ou encore Vichy Célestins. 

Les agent·es de la Répression des fraudes (DGCCRF) relèvent une liste longue comme le bras de pratiques qualifiées de « frauduleuses » : dans cette usine, le groupe aurait coupé ses eaux minérales avec de l’eau du robinet, utilisé des traitements illicites pour décontaminer l’eau de ses sources minérales, ajouté du gaz industriel ou injecté du sulfate de fer dans ses eaux minérales, désinfecté l’eau à l’ozone, ou encore filtré de l’eau aux UV. Ces pratiques, interdites pour traiter les eaux les plus pures, sont constitutives de manquements à la réglementation. 

Car oui, ces techniques de traitement ne sont pas autorisées pour traiter des eaux minérales et de sources naturelles. Ces eaux sont censées être protégées des risques de pollution et de contamination et ne doivent subir aucune désinfection. Ces traitements sont seulement permis pour traiter l’eau du robinet, qui elle ne peut être consommée sans être traitée.  

De fil en aiguille, l’enquête de la DGCCRF, qui soupçonne une généralisation de ces pratiques, s’élargit à d’autres acteurs du secteur, parmi lesquels Nestlé Waters, numéro un mondial du secteur de l’eau en bouteille. 

Des pratiques frauduleuses sur des eaux en bouteille : quel rôle de l’Etat ?

La saga prend un tournant politique lorsque les plus hauts rangs du gouvernement sont informés de l’existence de ces pratiques par Nestlé elle-même lors d’une réunion organisée à l’initiative de la multinationale en août 2021. Pendant ce rendez-vous, Nestlé aurait admis avoir utilisé des traitements illicites pour traiter des contaminations sporadiques d’origine bactérienne ou chimique de ses eaux minérales. Mais d’après les journalistes d’investigation ayant révélé l’enquête, le géant de l’eau en bouteille serait allé plus loin et aurait sollicité du gouvernement un assouplissement de la réglementation en vigueur pour poursuivre ces pratiques. 

Si le gouvernement diligente un contrôle des usines du secteur par l’Inspection générale des Affaires sociales (IGAS), l’affaire n’est pas dévoilée au grand public. Apparemment, le gouvernement aurait permis à Nestlé de continuer à utiliser ces traitements interdits par voie préfectorale. 

La réglementation oblige les autorités à notifier l’Europe de toute dérogation accordée à une entreprise. D’après nos informations, la France n’a pas informé les autorités européennes ni les autres Etats membres qui ont potentiellement importé ces eaux décontaminées.
Ingrid Kragl Directrice de l'information foodwatch France

Dans ce rapport de l’IGAS, remis au gouvernement dans la plus grande confidentialité, le constat serait accablant pour Nestlé :  non contente d’utiliser ces traitements interdits, la firme aurait en plus dissimulé, lors de contrôles, l’existence de ces pratiques et des dispositifs matériels pour les mettre en place, met aussi en avant l’enquête de Radio France et du Monde. 

Scandale alimentaire des eaux minérales : foodwatch va porter plainte

Ces eaux en bouteille ont pourtant été mises sur le marché. Si ces révélations sont vérifiées, des millions de consommateurs et consommatrices, qui n’ont jamais été informé·es de ces pratiques, auront été trompé·es. L’eau minérale en bouteille, cet or bleu vendu à prix d’or, s’achète en effet bien plus cher que l’eau qui coule du robinet pour ses vertus et sa qualité.

Or, il semble que des entreprises aient préféré contourner la loi pour continuer à écouler leurs produits. Les réglementations existent pour protéger les consommateur·rices et les acteurs du marché. Pour foodwatch, ce scandale démontre aussi qu’on ne peut faire confiance ni au secteur privé, ni aux autorités, et qu’une fois encore, la protection de notre santé et de l’environnement sont entre les mains de lanceurs et lanceuses d’alerte et de journalistes d’investigation. 

foodwatch interroge : si le gouvernement a su, pourquoi n’a-t-il rien communiqué ? Pourquoi les contrôles diligentés dans cette affaire n’ont-ils pas été suivis de sanctions ? Pourquoi les consommateurs et consommatrices, qui pensaient acheter de l’eau minérale pure, n’ont pas été informé·es ? En tant qu’association agrée de défense des consommateur·rices, foodwatch va porter plainte pour faire la lumière sur ce scandale alimentaire et obtenir les réponses que les millions de personnes qui ont acheté ces eaux en bouteille n’ont pas eues. 

De scandale en scandale, l'histoire se répète : opacité pour les consommateurs et consommatrices trompé·es sur la qualité substantielle du produit, manque de traçabilité et de contrôles, absence de sanctions, sous-effectifs criants au sein des organismes de contrôle publics. Transparence des informations et renforcement de la réglementation sont nécessaires pour briser l'omerta et l'impunité qui règnent dans le secteur de l'agroalimentaire.
 

On a encore plein de sujets sur le feu : aidez-nous à continuer !

foodwatch est une association 100% indépendante qui refuse tout financement public ou dons d’entreprises qui pourraient présenter le moindre conflit d’intérêt. Ce sont donc vos dons qui garantissent notre liberté de parole et d’action pour enquêter, lancer l’alerte et faire bouger les choses. Ensemble, notre voix compte. Merci !

Je fais un don