Actualités 27.06.2023

Plein de vide et suremballage : l’ultimatum de foodwatch et de Zero Waste France à l’industrie agroalimentaire

Trop de vide, trop d’emballage et trop de plastique : depuis des années, foodwatch et Zero Waste France alertent sur le suremballage et le « plein de vide », une pratique à contre-courant de la transparence sur l’alimentation et de l’urgence écologique. Aujourd’hui, les deux associations agréées de défense des consommateurs et de protection de l’environnement unissent leurs forces et font appel à leurs avocats pour interpeller 5 grandes marques de l’industrie agro-alimentaire. L’objectif : faire cesser une bonne fois pour toutes cette pratique qui fait déborder la planète de déchets et qui berne les consommateurs et consommatrices dans les rayons.

La voie de la justice : un ultimatum plein… de bon sens

Nos associations ont mené plusieurs enquêtes et ont demandé à maintes reprises aux industriels de mettre fin à ces suremballages. Malgré ces alertes et cette demande évidente, les entreprises de l’industrie agro-alimentaire ont pour la plupart choisi l’inaction. Si revoir des processus de production prend du temps et a un coût, ces changements sont nécessaires face à la responsabilité de l’industrie agro-alimentaire vis-à-vis de la transparence et de l’environnement. Surtout, elle a aujourd’hui à sa disposition des outils qui lui permettent de mettre fin à ces pratiques. Et pourtant, les industriels n’agissent pas, ou pas assez vite. 

Excédées, nos organisations ont choisi de passer la seconde : si les entreprises refusent d’agir par elles-mêmes, la justice peut les y contraindre. Fortes de nos mandats respectifs d’associations agréées de défense des consommateurs pour foodwatch et de protection de l’environnement pour Zero Waste, nous faisons appel à nos avocats pour muscler notre action et combattre ce problème sur un double front.

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Nous mettons 5 entreprises en demeure de cesser ce que nous considérons comme aberrant pour la planète et les consommateurs et consommatrices : Carambar & co, Mondelez international, Herta et Casa Tarradellas, Giovanelli Rana et Daco Bello. Découvrez les produits ciblés par notre mise en demeure ci-dessous.

1. Les bonbons Batna, Krema

Les bonbons Batna de Krema (groupe Carambar & co) contiennent 44% de vide : les bonbons se baladent dans leur sachet, or dans les rayons, nos équipes ont vite identifié un produit similaire - des bonbons tendres aromatisés – dans un sachet dont le conditionnement semble bien mieux adapté à la taille du produit.

2. Les carrés noir noisette entières, Côte d’Or

Le sachet Carrés noir noisette entières de la marque Côte d’Or (groupe Mondelez International) contient 60% de vide : si une partie de vide semble nécessaire pour le processus industriel permettant de remplir le sachet des chocolats, l’espace non occupé par les produits semble pouvoir être réduit. D’autant plus que les chocolats sont individuellement emballés à l’intérieur et ne risquent pas d’être abîmés.

3. Le sachet de noisettes décortiquées, Daco Bello

Le sachet de noisettes décortiquées Daco Bello (groupe Daco Bello) contient 68% de vide : au rayon des fruits secs, nous avons déniché un sachet de noisettes presque totalement plein.

4. Les allumettes fumées (Conservation Sans Nitrite), Herta

Les allumettes fumées (Conservation Sans Nitrite) Herta (groupe Herta et Casa Tarradellas) contiennent 54% de vide : les lardons frais sont conditionnés en barquette car c’est un produit collant et difficile à fractionner, mais ici le vide qui y est contenu semble pouvoir être réduit.

5. Les girasoli aux cèpes, Rana

Les girasoli aux cèpes Rana (groupe Giovanelli Rana) contiennent 60% de vide : si un minimum de vide est nécessaire pour préserver la qualité des raviolis, en l’état le conditionnement semble pouvoir être réduit.

Méthodologie de l’enquête: Les pourcentages de vide indiqués sont des estimations calculées d’après les mesures réalisées sur les produits achetés par foodwatch : nous avons mesuré leur volume (estimation) en approximant les paquets à des parallélépipèdes rectangles. Puis nous avons calculé la différence entre la partie pleine et la partie vide du produit. Les résultats obtenus ont été arrondis à l’inférieur. Nous avons ensuite comparé les produits à des produits similaires en magasin pour voir si des emballages mieux remplis existaient quand cela était possible. 

Emballages alimentaires surdimensionnés : que dit la loi ?

L’article R. 543-44 du code de l’environnement, directement issu du droit de l’Union européenne, prévoit que « L'emballage doit être conçu et fabriqué de manière à limiter son volume et sa masse au minimum nécessaire pour assurer un niveau suffisant de sécurité, d'hygiène et d'acceptabilité ».  Cet article n’a pas encore eu l’occasion d’être interprété par la justice française concernant le suremballage alimentaire, mais il est clair qu’il a pour vocation d’interdire le suremballage injustifié, et la production de déchets et le gaspillage de ressources naturelles qui l’accompagnent.

Au-delà du droit de l’environnement, le droit européen et français de la consommation (article 16 du règlement européen n° 178/2002 et article L. 121-2 du code de la consommation) interdit les pratiques commerciales qui induisent les consommateurs et consommatrices en erreur, notamment par le biais de l’emballage utilisé. 

Ainsi, les emballages surdimensionnés remplis de vide sont dans l’illégalité à un double titre, en miroir de leur impact néfaste tant sur l’environnement que sur les consommateurs et consommatrices. 

Suremballage alimentaire : de l’urgence écologique de s’en passer

Le plus grave dans tout ça : cette pratique va à contre-courant des efforts environnementaux nécessaires pour agir face à l’urgence climatique et environnementale, à commencer dans ce cas par réduire drastiquement la production et la consommation de déchets.

Les chiffres témoignent d’une planète qui déborde et surchauffe : d’après la Banque mondiale, la collecte et le traitement des déchets sont responsables de 5% des émissions de gaz à effet de serre. Cela génère 1,6 milliard de tonnes d'équivalent carbone par an et ce chiffre pourrait presque doubler d'ici 2050. En France, l’impact climatique des déchets est évalué par le Haut conseil pour le climat à environ 4 % des émissions de gaz à effet de serre du pays - sans même évoquer la pollution des rivières, lacs et océans par nos déchets plastiques et son impact sur la biodiversité de ces écosystèmes essentiels.  

Le problème des déchets se pose avec force en ce qui concerne l’alimentation et le plastique : l’industrie agroalimentaire en est gourmande et on retrouve du plastique dans nombre d’emballages alimentaires. Et quand on sait que ces emballages d’aliments, souvent à usage unique, partent directement à la poubelle, on a là un beau gâchis de matières premières, d’eau et d’énergie ! 

Les impacts du plastique, fabriqué à 99% à partir de ressources fossiles comme le pétrole, sont catastrophiques pour la planète, la santé et les droits humains : le plastique est responsable d’émissions de gaz à effet de serre et de dommages environnementaux incommensurables, avec des conséquences à long terme sur les écosystèmes et le vivant, et des maladies et des décès qui pourraient pourtant être évités. Il y a donc urgence à agir, et vite !

Bien sûr, l’idéal serait de se passer d’emballages à usage unique, dans la mesure du possible, notamment en achetant des produits en vrac ou emballés dans des contenants consignés et réemployés. Cependant, l’accès à ces produits n’est aujourd’hui pas généralisé sur l’ensemble du territoire français. Certes, la loi Climat et Résilience fixe un objectif de 20% des surfaces de vente des grandes et moyennes surfaces consacrées à la vente en vrac, mais cette obligation n’entrera pas en vigueur avant 2030. Quant à la consigne pour réemploi, notamment des bouteilles en verre, son déploiement à grande échelle nécessite, entre autres, des investissements conséquents à l’échelle nationale et régionale, ainsi qu’un cadre réglementaire contraignant. Zero Waste France milite en ce sens depuis plusieurs années, et participe actuellement à la concertation nationale sur ce sujet. 

Sources

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