
Aliments ultra-transformés : quel est le problème ?
Depuis les années 1970, les aliments ultra-transformés (AUT) ont envahi les supermarchés. Aujourd’hui, ils représentent près de 8 produits sur 10 dans les rayons alimentation. Pratiques, abordables et appétissants, les aliments ultra-transformés – biscuits apéritifs, sodas, céréales sucrées du petit déjeuner ou encore plats préparés. – sont largement promus par l’industrie agroalimentaire. Pourtant, de plus en plus de travaux de recherche établissent un lien entre la consommation excessive de ces produits et de graves problèmes de santé, comme l’obésité, le diabète, les maladies cardio-vasculaire ou encore l’hypertension. Alors, que sont au juste les aliments ultra-transformés ? Comment les repérer dans les supermarchés ? Quels sont leurs impacts sur notre santé, nos habitudes alimentaires et notre environnement ? Quelles sont les stratégies des géants de l'alimentation pour faire acheter et consommer ces produits ?
Qu’est-ce qu’un aliment ultra-transformé ?
Aujourd’hui, la qualification d’un aliment ultra-transformé se base sur son niveau de transformation ; s’il n’existe pas de définition scientifique consensuelle de l’aliment ultra-transformé, des classifications d’alimentation, notamment la classification NOVA, permettent d’en dégager les grandes caractéristiques. On considère qu’un aliment est ultra-transformé lorsqu’il a subi pour sa fabrication d’importantes transformations physiques, chimiques ou biologiques par divers procédés industriels complexes (fractionnement des aliments, cuisson-extrusion, soufflage, fritures industrielles, etc.). Un AUT contient des additifs ou des ingrédients dits cosmétiques – car non essentiels à la santé - qui servent à en modifier la texture, le goût ou encore la couleur, arôme et texture, uniquement utilisés dans le contexte industriel (huiles hydrogénées, émulsifiants, maltodextrine, amidons modifiés, etc.). Enfin, des auxiliaires technologiques (antimousse, catalyseurs, agents décolorants, de lavage, etc.) ont été utilisés pour sa fabrication : ce sont des substances employées pour le traitement ou la transformation du produit, qui ne sont plus présentes dans l’aliment fini, et qui ne figurent donc pas dans la liste des ingrédients. Les AUT ont généralement une liste d’ingrédients très longue, dont certains sont complexes, inconnus de votre cuisine ou commençant par « E » et vous donnant une idée du potentiel caractère ultra-transformés du produit, et vous permettant de les repérer.
La classification NOVA : un outil essentiel pour étudier la consommation des AUT et leur l'impact sur la santé
Mis au point par des chercheurs brésiliens au début des années 2000, le système de classification NOVA s’est imposé comme un outil innovant permettant d'évaluer les aliments en fonction de leur niveau de transformation plutôt que de leurs seules caractéristiques nutritionnelles. Cette innovation a été déterminante pour comprendre la part croissante des AUT dans notre alimentation et pour étudier leur incidence sur la santé, en classant les aliments selon leur degré de transformation, la classification étant un préalable à l’étude. En distinguant les aliments très peu transformés des produits hautement transformés, la classification NOVA est devenue un outil essentiel pour étudier l'impact de la transformation des aliments sur la santé publique et orienter les politiques publiques visant à promouvoir une alimentation plus saine. C’est aujourd’hui la classification la plus utilisée dans de nombreuses études scientifiques, sur laquelle l’Anses, mais aussi l’OMS ou la FAO, se basent pour leur expertise sur l’alimentation ultra-transformée.
La classification NOVA répartit les aliments en 4 groupes :
- Le groupe 1 comprend les « aliments bruts ou très peu transformés » : il s’agit notamment des produits suivants : fruits, fruits à coque, légumes, légumineuses, riz, pâtes, œufs, viande, poisson et lait. Les aliments très peu transformés sont des produits naturels, dont on a pu supprimer les parties non comestibles, et transformés par des procédés simples : séchage, broyage, mouture, pulvérisation, fractionnement, filtrage, torréfaction, cuisson à l’eau, fermentation non alcoolique, pasteurisation, réfrigération, congélation, mise en récipients et conditionnement sous vide, entre autres.
- Le groupe 2 est celui des « ingrédients culinaires transformés » : il comprend des produits comme le beurre, le sel, le sucre, la sauce tomate, l'huile ou encore la farine, destinés à être utilisés en petites quantités ou cuisinés avec les aliments du groupe 1.
- Le groupe 3, celui des « aliments transformés », comprend des produits conservés, marinés, fermentés ou salés. Il s'agit, par exemple, des légumes ou des légumineuses en conserve ou en bocal avec du sel ajouté, des fruits entiers au sirop, du pain traditionnel, du poisson fumé ou encore de la charcuterie. Ils sont obtenus en combinant des produits du groupe 2 à des aliments du groupe 1. Les aliments transformés conservent généralement l’identité fondamentale de l’aliment d’origine et la plupart de ses composants.
- Le groupe 4 réunit les « aliments ultra-transformés » : les AUT sont produits à partir d’ingrédients pour la plupart exclusivement à usage industriel, en faisant généralement intervenir un ensemble de techniques et de procédés de transformation. Ils sont généralement composés en grande partie de sucres, d'huiles et d'amidons du groupe 2, associés à des colorants, des émulsifiants, des arômes et autres additifs pour les rendre plus appétants. Ils contiennent des ingrédients que vous ne trouverez pas dans votre cuisine : isolat de protéine de soja, gluten, caséine, sirop à haute teneur en fructose, dextrose ou fibres solubles, notamment.
Certains scientifiques, ainsi que des organismes publics, comme l’Anses, (Agence française de sécurité sanitaire) ont émis des réserves méthodologiques dans leurs expertises, soulignant par exemple que les critères de classification de NOVA sont parfois insuffisamment caractérisés. Autrement dit, il n’existe pas de définition officielle de l’alimentation ultra-transformée faute d’un nombre suffisant de travaux de recherche pour y arriver. Un écueil méthodologie qui appelle et encourage les pouvoirs publics à investir dans la recherche scientifique sur l’ultra-transformation. Cela dit, la classification NOVA est une base déjà acceptable pour ne pas retarder plus longtemps le nécessaire travail d’élaboration de politiques publiques sur l’ultra-transformation. Elle est utilisée par de nombreuses études qui montrent que le fait de manger des aliments classés NOVA4 est associé à un risque plus élevé de pathologies chroniques.
La classification NOVA a permis l'émergence du concept d'ultra-transformation. Elle a été largement utilisée par les autorités publiques nationales et internationales au cours des dernières années, mais aussi dans le cadre de recherches indépendantes sur l'alimentation et sur son impact sur la santé qu’aucun autre outil ne permettait jusque-là.
Transformation des aliments et qualité nutritionnelle : deux approches complémentaires
Les informations sur la valeur nutritionnelle des aliments ne sont-elles pas suffisantes ? Autrement dit, avons-nous vraiment besoin de connaître leur niveau de transformation ? Il est vrai que les AUT ont généralement une qualité nutritionnelle plus faible que d’autres aliments. L’analyse de 79 512 aliments ultra-transformés (classés NOVA 4) issus de la base de données Open Food Facts France (2021), qui concerne des produits alimentaires français, a permis à des chercheur·ses français de l'EREN (Équipe de recherche en épidémiologie nutritionnelle de l’INSERM) de constater que 87,5 % des aliments ultra-transformés sont classés C, D et E, les 12,5 % restants étant classés A ou B, en utilisant pour cela la version la plus récente de l’algorithme Nutri-Score. La même équipe de chercheur·ses a pu analyser le lien général entre le niveau de transformation des aliments et leur qualité nutritionnelle. En comparant des personnes ayant une alimentation plus favorable sur le plan nutritionnel à des personnes ayant une alimentation moins favorable, ils ont montré que 32 % de la différence est due à des différences de qualité nutritionnelle entre groupes d’aliments, alors que 22 % est due au choix d'aliments ultra-transformés dans un groupe d’aliments donné. En Espagne, une étude comparable a montré que des aliments ultra-transformés sont présents dans toutes les catégories de Nutri-Score ; ils représentent 26,08 % des aliments de la catégorie A, 51,48 % dans la catégorie B, 59,09 % dans la catégorie C, 67,39 % dans la catégorie D jusqu’à 83,69 % dans la catégorie E.
Le degré de transformation des aliments et leurs qualités nutritionnelles sont deux dimensions complémentaires de la composante santé de l’alimentation. Au niveau européen, l'OMS travaille actuellement à l'élaboration d'une proposition de définition consensuelle et opérationnelle des aliments ultra-transformés. L’objectif ? Conduire à une meilleure intégration de ces deux notions importantes que sont la valeur nutritionnelle et le degré de transformation des aliments, et aider l’élaboration de politiques publiques sur la question. L’équipe de recherche française à l’origine du Nutri-Score a quant à elle suggéré de cercler le logo coloré d’un bandeau noir pour un produit ultra-transformé. Foodwatch est favorable à une aide permettant aux consommatrices et consommateurs d’identifier facilement les AUT dans les rayons, en s'appuyant pour cela sur l'étiquetage nutritionnel déjà couvert par le Nutri-Score.
L’impact des aliments ultra-transformés sur notre santé
Les AUT sont pointés du doigt par plusieurs autorités de santé publique, qui préconisent une réduction de leur consommation. L’OMS et la FAO font état d’un lien entre une consommation élevée d’AUT et de risques en matière de santé. En France, les recommandations nutritionnelles en matière de santé publique, via le Plan National Nutrition Santé (PNNS 4), fixent pour objectif de réduire la consommation d’AUT, en se basant sur la classification NOVA. En Europe, l’industrie agro-alimentaire est responsable de presque 400 000 décès par an, un nombre choquant dévoilé par l’OMS dans un rapport publié en juin 2024. Comme le tabac, les énergies fossiles et l’alcool, les aliments ultra-transformés sont pointés du doigt, tenus pour responsables d’une dégradation de la santé et d’une mortalité prématurée.
Pourquoi les aliments ultra-transformés présentent-ils des risques pour la santé ?
Les régimes alimentaires riches en AUT présentent diverses caractéristiques susceptibles d’avoir des effets néfastes sur notre santé. La faible qualité nutritionnelle, des AUT est bien connue : ils sont riches en graisses/graisses saturées, en sel et/ou en sucres et pauvres en fibres et en vitamines. Leur recette, généralement conçue pour être pratique et appétissante, ainsi que les circonstances de leur consommation (fast-foods, devant des écrans, dans les transports, etc.) favorisent un apport alimentaire excessif. Leur texture, leur goût et leur appétence encouragent une consommation trop importante et une prise de poids ainsi que d’autres troubles métaboliques (comme la stéatose hépatique, une lésion du foie).
Ces produits sont tellement transformés que la structure originale des ingrédients bruts est fortement altérée, modifiant la manière dont ils sont ingérés et digérés. C’est par exemple le cas des céréales pour le petit-déjeuner, si croustillantes et fondantes en bouche qu’on peut en manger un bol entier sans se sentir rassasié, contrairement aux flocons d'avoine complets. L’ultra-transformation des aliments affecte à la fois la satiété qu’ils procurent -on se sent vite rassasié sans l’être vraiment - et la biodisponibilité des nutriments, c’est-à-dire la part d'un nutriment présent dans un aliment réellement assimilé par l'organisme.
Les AUT peuvent contenir des substances ajoutées, intentionnellement ou non, qui peuvent avoir une incidence sur notre santé : additifs alimentaires, résidus d'agents de transformation, contaminants alimentaires formés lors des processus de transformation (acrylamide, furanes, hydrocarbures aromatiques polycycliques, etc.) ou ayant migré depuis les emballages alimentaires (bisphénols, phtalates, huiles minérales, etc.), ce d'autant plus que la durée de conservation est longue.
Les risques d’impacts négatif sur la santé de plusieurs additifs alimentaires dont l’utilisation est pourtant parfaitement légale a largement été documenté. C’est par exemple le cas d’un édulcorant, l’aspartame (E951), qui pourrait être possiblement cancérogène, ou des nitrites et nitrates ajoutés, dont le lien entre consommation et risque de cancer a été confirmé par l’Anses. Plusieurs émulsifiants, comme la gomme xanthane (E415) et les mono- et diglycérides d'acides gras (E471), ont été associés à un risque accru de maladies cardiovasculaires, à une altération du microbiote conduisant à des maladies inflammatoires chroniques de l’intestin, et même à un risque accru de certains cancers. Des études scientifiques incitent également à penser que l'effet cocktail d’une consommation sur le long terme d'une multitude d'additifs pourrait être préjudiciable à la santé. Certaines substances néoformées peuvent présenter un risque pour la santé. Les processus de friture, par exemple, peuvent entraîner la formation d'acrylamide, la cuisson des viandes à haute température celle d'hydrocarbures aromatiques polycycliques et d'amines hétérocycliques aromatiques, autant de substances cancérigènes.
En savoir plus sur les additifs alimentaires
Qu'est ce qu'un additif alimentaire ? Comment sont ils autorisés, pour quelles raisons et avec quelles conditions ? Les additifs alimentaires sont il dangereux ? Comment le risque est -il évalué ? Que faire en cas de doute sur un additif alimentaire? foodwatch fait le point.
Consommation d’aliments ultra-transformés et santé : la science pointe un risque accru de maladies chroniques
Ces dix dernières années, de nombreuses études scientifiques prospectives – c’est-à-dire dans lesquelles les chercheurs se projettent dans le temps pour voir comment les choses évoluent – ont établi un lien entre la consommation d’AUT et un vaste éventail de maladies chroniques. Une consommation excessive d’AUT est effectivement associée à des risques accrus de maladies cardiovasculaires, coronarienne (maladie des artères qui vascularisent le cœur) et cérébrovasculaires (atteinte du système nerveux central due à une cause vasculaire).
De nombreuses études ont également montré l’existence d’un lien entre la consommation d’AUT et un risque accru de cancers. L’étude de cohorte européenne EPIC a révélé que la substitution de 10 % d’aliments ultra-transformés par 10 % de produits très peu transformés était associée à une réduction du risque de cancers de la tête et du cou, de cancer du côlon et du foie. Une étude française a montré qu’une augmentation de 10 % de la part d’AUT dans l’alimentation était associée à une augmentation supérieure à 10 % du risque de développer un cancer en général et un cancer du sein en particulier. Des scientifiques du Centre international de recherche sur le cancer (IARC) ont montré que remplacer les boissons et les aliments ultra-transformés par une quantité équivalente de boissons et d’aliments très peu transformés pourrait réduire le risque de divers types de cancer.
Des études prospectives menées auprès de plusieurs cohortes européennes (EPIC en Europe, SUN en Espagne, NutriNet-Santé en France) ont mis en évidence un lien entre la consommation d’AUT et un risque accru de surpoids et d'obésité. L'étude de cohorte européenne EPIC, conduite auprès de participant·es issu·es de 9 pays européens, a montré que la consommation la plus élevée d’AUT était associée à un risque accru de 15 % de surpoids ou d’obésité chez les participant·es de poids normal, et à un risque accru de 16 % d’obésité chez les participant·es en surpoids au début de l'étude. Une étude américaine menée dans des conditions randomisées contrôlées sur des participant·es suivant deux différents régimes alimentaires ajustés à leurs profils nutritionnels a montré que celles et ceux suivant le régime ultra-transformé consommaient 500 calories supplémentaires par jour, ce qui a entraîné une prise de poids moyenne d’un kilo en deux semaines !
Plusieurs études ont également montré qu'une proportion plus élevée d’AUT dans l'alimentation était associée à un risque accru de diabète de type 2. Une étude européenne reposant sur la cohorte EPIC s’est intéressée au lien entre le niveau de transformation de l’alimentation et le risque de diabète de type 2, et notamment aux types d’AUT entraînant les risques les plus importants. L’équipe de recherche a analysé la consommation d’AUT et les effets sur la santé de 311 892 personnes de huit pays d’Europe. Elle a constaté que toute augmentation de 10 % de la part d’AUT dans l’alimentation d’un individu est associée à une hausse de 17 % du risque de diabète de type 2, mais aussi que ce risque peut être réduit en consommant des aliments moins transformés à la place.
Des chercheuses et chercheurs français·es de l'Inserm ont mis en évidence un lien significatif entre une consommation élevée d’AUT et le risque de récurrence de symptômes dépressifs. Les participant·es ayant la plus importante consommation d’AUT (soit 1/3 de leur alimentation totale) avaient un risque accru de 30 % d’épisodes de symptômes dépressifs récurrents, comparé aux participant.es chez qui la part des AUT dans la consommation quotidienne était inférieure à 1/5. Il a été démontré que les AUT favorisent le stress oxydatif et l'inflammation, et modifient le microbiote intestinal ainsi que l'expression génomique (c’est-à-dire la fabrication de l’ADN), dont les effets sur la santé mentale sont avérés. Une méta-analyse australienne qui a mis en évidence un risque accru de symptômes dépressifs et anxieux chez les personnes consommant d’importantes quantités d’AUT est venue corroborer ces résultats.
D’autres effets sur la santé ont moins été étudiés, mais un lien pourrait exister entre la consommation d’AUT et l’insomnie chronique, l’insuffisance rénale chronique, le syndrome de l’intestin irritable et la dyspepsie fonctionnelle (un trouble gastro-intestinal). Une étude italienne a montré qu’un régime riche en AUT était associé à une accélération du vieillissement biologique chez un échantillon de sujets adultes en Italie, mesurée au moyen de biomarqueurs sanguins. Par ailleurs, notons qu’il n’existe aucune étude montrant un lien entre la consommation d’AUT et des effets bénéfiques pour la santé.
En France, l’ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation) a conduit une revue systématique des études scientifiques publiées sur ce sujet. Les experts ont confirmé, bien qu’avec un poids des preuves faible, qu’une consommation plus élevée d’aliments qualifiés d’ultra-transformés selon la classification NOVA est associée à un risque plus élevé de mortalité et de maladies chroniques, comme le diabète de type 2, le surpoids, l’obésité, les maladies cardio-neurovasculaires, le cancer du sein et le cancer colorectal.

Les recherches actuelles démontrent clairement les effets négatifs des AUT sur la santé, allant au-delà de l'apport de grandes quantités de sucre, de sel et de graisse dans notre alimentation. Il est urgent de conduire d'autres travaux de recherche financés par des fonds publics, et donc indépendants de tout intérêt direct de l'industrie alimentaire, sur les différentes incidences des AUT sur notre santé.Chargée de campagnes foodwatch France
Consommation d’aliments ultra-transformés : un lien avec des disparités socio-économiques croissantes
De nombreux AUT contiennent des calories dites « vides », c’est-à-dire qu’ils sont pauvres en nutriments essentiels (comme les fibres, les vitamines et les sels minéraux) et trop riches en graisses, en sucres et en sodium. Ils ne procurent pas de sensation de satiété, tout en induisant une hyperglycémie, ce qui conduit à la fois à une suralimentation (surpoids et obésité) et à une sous-alimentation (carences en micronutriments).
Une étude anglaise s’est intéressée au développement des habitudes en matière de consommation d’en-cas, ou snacks, dans des familles de différents milieux socio-économiques et aux facteurs qui influencent ces habitudes. Elle a montré que les en-cas ultra-transformés, riches en graisses, en sel et en sucre (HFSS, pour high-fat, -salt and -sugar snacks) contribuent à l'augmentation de la prévalence de l’obésité et à des disparités nutritionnelles. Les familles transmettent très tôt leurs habitudes de grignotage aux tout-petits, les parents à faibles revenus privilégiant les AUT et les HFSS en raison de leur prix abordable, de leur aspect pratique et des stratégies de marketing auxquelles ils sont exposés. Les familles plus aisées, quant à elles, peuvent plus facilement proposer des fruits frais, trop chers pour la plupart des gens. L'étude relève également un marketing présentant certains en-cas comme « plus sains » alors que leur profil nutritionnel est comparable à celui des HFSS.
Dans bien des contextes, les AUT sont généralement moins chers que les aliments non transformés ou très peu transformés substituables. Une étude belge a estimé les coûts financiers respectifs des régimes alimentaires comportant des parts caloriques plus élevées et plus faibles d’AUT et d'aliments non transformés/très peu transformés (MPF, pour minimally processed foods). Cette étude a montré que 100 kcal provenant d'AUT étaient 58 % moins chères que 100 kcal provenant de MPF. Le coût des denrées alimentaires étant très souvent un facteur déterminant de leur accessibilité et de leur consommation, ce prix réduit représente un avantage concurrentiel considérable, particulièrement attrayant pour les populations avec un budget réduit.
Aliments ultra-transformés et impacts sur l’environnement
La fabrication des aliments ultra-transformés n’est pas sans impact sur l’environnement. Une étude française a montré que l’ensemble des AUT représentent 19 % de notre alimentation, mais contribuent à 24 % des émissions de gaz à effet de serre liées à notre alimentation, 23 % de la consommation d’eau, 23 % de l’utilisation des terres et 26 % de la demande énergétique.
Indéniablement, les processus de fabrication et la longueur des chaînes d'approvisionnement accroissent l'empreinte environnementale du régime alimentaire. L'huile de palme est une illustration emblématique des effets négatifs que l'utilisation industrielle généralisée d'un ingrédient peut avoir sur l'environnement : bien qu’elle entraîne la destruction de forêts parmi les plus riches en biodiversité de la planète, elle reste l'huile végétale la plus consommée dans le monde et est un ingrédient très utilisé dans les aliments ultra-transformés.
En savoir plus sur l'huile de palme
En un quart de siècle, l’huile de palme s’est invitée dans notre alimentation. Son faible coût fait d’elle une aubaine pour les industriels. Elle est ainsi passée d’une huile traditionnellement utilisée dans la cuisine de certains pays à l’huile végétale la plus consommée dans le monde. Marqueur de l’alimentation ultra-transformée, on peut la retrouver dans les pâtes à tartiner, la margarine, les chips, les biscuits, les bouillons cube, les soupes déshydratées ou encore les céréales du petit déjeuner, jusque dans des poudres de lait pour bébés.
La consommation d’AUT contribue également de manière significative à l’effondrement de la biodiversité agricole. Le régime alimentaire mondialisé associé aux AUT se caractérise par une profusion de produits alimentaires distribués à une échelle industrielle, au détriment de la culture et de la consommation de produits traditionnels, composés essentiellement d'aliments frais et très peu transformés. Les AUT sont produits avec des ingrédients provenant de quelques espèces végétales à fort rendement (comme le maïs, le blé, le soja et les graines d’oléagineux). Ils contribuent à l'homogénéisation des paysages agricoles au détriment des systèmes de production historiques plus diversifiés, avec la culture de céréales, de légumineuses, de fruits et de légumes. Les ingrédients d'origine animale utilisés dans quantité d’AUT proviennent souvent de bêtes élevées de manière industrielle – en batterie - et nourries avec ces mêmes produits (maïs, blé, soja et graines d’oléagineux).
Enfin, les déchets générés par le suremballage des AUT constituent une externalité négative supplémentaire à prendre en considération. Les AUT sont souvent emballés dans des matières plastiques composées d'un cocktail de produits chimiques et peuvent libérer des substances toxiques, comme les phtalates et les bisphénols, notamment lorsqu'ils sont chauffés ou stockés durant des périodes prolongées : les dommages liés à ces migrations restent largement sous-estimés, avec des milliers de substances chimiques provenant de plastiques qui migrent vers les aliments. Cela soulève des inquiétudes quant aux risques sanitaires cumulés à long terme qui découlent de l'exposition combinée des individus aux additifs chimiques contenus dans les aliments et aux contaminants provenant de leurs emballages. Les emballages plastiques peuvent également avoir un impact de taille sur la santé des sols et la vie marine. Les matériaux pour contact alimentaire à base de papier, souvent perçus comme plus écologiques et plus sûrs, contiennent eux aussi des substances nocives, comme les PFAS (substances per- et polyfluoroalkylées), ajoutées à ces matériaux pour les rendre résistants aux graisses et qui peuvent migrer dans les AUT, ce qui accroit encore les risques potentiels pour la santé.
Comment l’industrie agroalimentaire façonne notre environnement alimentaire avec l’alimentation ultra-transformée ?
Derrière cette production de masse, on trouve des géants de l’industrie agroalimentaire qui ont tout intérêt à voir perdurer la consommation d’aliments ultra-transformés. Au cours du siècle passé, des innovations constantes ont permis aux entreprises produisant des AUT de se développer et de dominer le marché. Ces multinationales de l’agroalimentaire, comme Nestlé ou Kellogg’s, ont massivement investi dans la recherche et le développement, ce qui leur a permis de maîtriser des technologies cruciales en matière de production, de transformation et de conditionnement. Grâce au marketing, à la publicité et aux réseaux sociaux, elles se sont adaptées aux tendances sociétales et environnementales. En reformulant les aliments grâce à l’« ingénierie alimentaire », elles ont su contrer la menace économique que représentent pour elles les préoccupations croissantes en matière de santé liées à la consommation de leurs produits. Cela leur a permis à la fois de diversifier leur offre, de se donner une image responsable et de rendre difficile une évolution de la place qu’elles occupent dans notre environnement alimentaire.
Les aliments ultra-transformés, extrêmement rentables pour une industrie axée sur le profit
Les AUT sont généralement peu coûteux à fabriquer, car souvent composés en grande partie de matières premières bon marché, comme le blé, le sucre et les huiles végétales, rendus ultra-appétants à l’aide d’une technologie alimentaire de pointe et d’additifs. Ajoutez à cela une bonne durée de conservation, une optimisation du transport et le marketing, et on obtient une rentabilité encore accrue. Si l’industrie agroalimentaire met en avant les AUT en mobilisant toute la puissance de son marketing, c’est parce que ces produits sont extrêmement rentables.
Les AUT ont été pensés pour être savoureux, ils sont donc aujourd’hui omniprésents. Formulés de manière à nous inciter souvent à vouloir en manger toujours plus une fois qu’on y a goûté, ils sont facilement disponibles, presque partout : des supermarchés aux lieux de travail en passant par presque toutes les gares, les distributeurs automatiques et toutes les petites épiceries de quartier. Les enseignes de la grande distribution jouent un rôle central dans la distribution des AUT : en France, environ sept produits sur dix sont ultra-transformés dans l’offre en supermarché.
Les géants de l’agroalimentaire consacrent des sommes considérables au marketing, depuis longtemps. Au XIXe siècle, Nestlé présentait sa « farine lactée » comme un aliment pouvant guérir les bébés malades et prématurés. Selon Statista, les plus grands fabricants d’AUT allouent tous les ans plusieurs milliards de dollars au marketing, Nestlé ayant dépensé à elle seule 100 milliards de dollars environ en marketing et en dépenses connexes entre 2015 et 2019 !
Entre 1989 et 2019, l'industrie mondiale des AUT a systématiquement été plus rentable et a enregistré des marges bénéficiaires nettes nettement plus élevées que l'industrie mondiale de la production alimentaire et que le secteur mondial de la vente au détail de produits alimentaires. Au cours de cette période, huit entreprises ont régulièrement occupé les premières places au classement de l'industrie mondiale des AUT : Nestlé, PepsiCo, Unilever, Coca-Cola, Danone, Fomento Económico Mexicano (qui exploite la plus grande usine d'embouteillage de Coca-Cola), Mondelez et Kraft Heinz Co.
Profits privés contre santé publique : le lobbying des géants de l’ultra-transformé
Comme dans bien d’autres dossiers liés à l’alimentation et à la santé, les multinationales de l’alimentation ultra-transformée investissent des sommes colossales dans des stratégies agressives de lobbying pour promouvoir leurs produits. Parmi les stratégies mises au point par l’industrie, il y a :
- Retarder, affaiblir ou entraver les réglementations nationales et européennes susceptibles de nuire à la vente de leurs produits
Par exemple, certains fabricants d’AUT comme Nestlé ou Danone se sont activement opposés aux réglementations nationales visant à restreindre le marketing des préparations pour nourrissons. Le secteur des AUT s’est également engagé contre les taxes sur les boissons sucrées, contre les mesures visant à réglementer la publicité pour des aliments mauvais pour la santé à destination des enfants et contre une règlementation plus stricte de l’étiquetage alimentaire, mais aussi contre l’adoption du Nutri-Score au niveau européen. L’image responsable que ce secteur s’efforce de donner vise à rehausser sa popularité et à promouvoir l’idée que l’autorégulation du secteur, par opposition à une réglementation gouvernementale contraignante, serait suffisante pour faire face aux problèmes majeurs de santé publique et d'environnement. Le secteur des AUT n'hésite pas à recourir à des tactiques d'intimidation et à discréditer les travaux de recherche produisant des éléments en faveur d’une réglementation plus stricte, avec des méthodes comparables à celles des industries du tabac et des boissons alcoolisées.
- Financer le problème et la solution
Pire, les entreprises agroalimentaires qui produisent des aliments très gras ou très sucrés sont souvent aussi celles qui proposent des alternatives allégées (comme Coca Cola), qui financent des infrastructures et des événements sportifs (Ferrero sponsor du stade Kindarena près de Rouen, Pepsico sponsor officiel de la Ligue des Champions, Coca Cola sponsor des JO de Paris 2024 et de l'UEFA 2024 en Allemagne), ou qui pratiquent de la recherche pour la mise au point de médicaments permettant de soigner les maladies métaboliques ou chroniques que les AUT qu'elles fabriquent ont contribué à engendrer. Récemment, une enquête a révélé comment Nestlé, Danone et Unilever investissent depuis 20 ans dans le domaine des produits pharmaceutiques, des compléments alimentaires et des aliments permettant une maitrise du poids.
- Détricoter ou manipuler la science et la recherche à leur compte
La classification NOVA a fait l'objet de critiques de la part de l'industrie agroalimentaire, celle-ci considérant que cette classification simplifie à l’excès le lien entre la transformation des aliments et leur qualité nutritionnelle. En octobre 2024, le lobby FoodDrinkEurope a par exemple réfuté l’existence d’un lien entre le niveau de transformation d’un aliment et son impact sur la santé. Pour FoodDrinkEurope, la classification des AUT serait illogique et en contradiction avec l’évaluation scientifique des aliments. Certains détracteurs de NOVA, y compris issus du milieu universitaire, entretiendraient des liens avec l'industrie des AUT, pouvant faire craindre de potentiels conflits d'intérêts. En mars 2025, des médias ont mis en avant le projet plus que controversé de la fondation philanthropique du géant de l’industrie pharmaceutique Novo Nordisk de retravailler la classification NOVA. Pour cause, à la tête de ce projet, il y a le vice-président du programme obésité de Novo Nordisk, qui a été consultant pour plusieurs géants de l’alimentation ultra-transformé, comme Ferrero, McDonald’s ou Nestlé.

Les politiques de santé publique devraient s’appuyer sur la recherche et des données scientifiques indépendantes, et non pas être façonnées par des organisations émanant d’industriels ayant un intérêt financier dans les maladies liées à l’alimentation. On ne compte plus les géants de l’agroalimentaire qui déploient des tactiques intéressées pour influencer le débat scientifique et ne semblent pas s’embarrasser de questions de santé publique.Chargée de campagnes Foodwatch France
Face à la prolifération problématique des AUT dans nos alimentations, une approche globale des systèmes alimentaires s’impose, afin de contrer les stratégies commerciales et politiques des industriels qui fabriquent des AUT. Il est urgent de mettre un terme à l’implication de l'industrie produisant des AUT dans l'élaboration des politiques publiques et des réglementations.
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