Actualités 16.07.2025

Pesticides interdits : quand l’Europe exporte le poison qu’elle bannit

Alors que l’Union européenne interdit l’usage de certains pesticides dangereux sur son territoire, elle continue d’en autoriser la production et l’exportation vers des pays tiers. Une incohérence aux lourdes conséquences sanitaires et environnementales. Ces substances restent toxiques, peu importe où elles sont utilisées – et finissent souvent par revenir dans nos assiettes via les produits importés. Exemple édifiant près de Lyon dans une usine BASF, chiffres préoccupants à l’échelle européenne, principaux pesticides concernés : retour sur un commerce toxique que l’Europe continue d’autoriser. 

L’usine BASF à Lyon et les failles de la loi française

En mai 2025, près de Lyon, une inspection citoyenne organisée par des faucheur·euses volontaires dans une usine de BASF — l’un des géants mondiaux des pesticides — a révélé la présence de palettes contenant un insecticide interdit dans l’Union européenne. Interdit, certes, mais toujours produit pour être exporté vers des pays aux réglementations plus souples, même si l’insecticide en question reste tout aussi nocif pour la santé et l’environnement. 

Cet événement n’est pas un cas isolé : déjà, en 2024, une enquête conjointe de Public Eye et Unearthed (Greenpeace UK) révélait l’ampleur de ce commerce. La France, qui s’est dotée en 2018 de la loi EGalim interdisant, à partir de 2022, la production, le stockage et l’exportation de pesticides bannis dans l’UE, peine à la faire appliquer efficacement. La découverte lyonnaise en est la preuve flagrante.  

Pire encore : l’Union européenne elle-même avait promis, en 2020, de mettre fin à l’exportation de ces substances interdites. Mais près de cinq ans plus tard, aucune loi européenne n’est entrée en vigueur. Pendant ce temps, les industriels continuent de se faire de l’argent au détriment de l’environnement et de la santé des populations.  

Rejoignez la mobilisation !

Les résidus dans l’alimentation : un scandale à l’échelle européenne

Mais ça ne s’arrête pas là ! Ces pesticides interdits reviennent dans notre alimentation via nos importations. Les données de surveillance 2023 de l’EFSA (Autorité européenne de sécurité des aliments), analysées par foodwatch, mettent en lumière cette réalité alarmante : 

  • 9 % des produits alimentaires testés (hors bio) contiennent des résidus de pesticides interdits dans l'UE, 
  • 580 substances ont été détectées, issues de plus de 400 pesticides, dont 200 non autorisés sur le territoire européen. 

Parmi les substances les plus fréquemment détectées : les insecticides imidaclopride, chlorpyrifos, thiaméthoxame, bifenthrine, ou encore les fongicides carbendazime et flutriafol — certains classés hautement dangereux par la FAO. Les produits les plus contaminés ? Les fruits tropicaux comme les bananes, le riz, le thé, le gombo et les épices.  

Et pourtant, ces produits se retrouvent légalement sur nos étals, grâce aux tolérances d’importation (les MRL – limites maximales de résidus) encore en vigueur pour des substances interdites chez nous. Un non-sens sanitaire et commercial. 

L’action politique : l’urgence d’une législation européenne forte

Depuis 2020, foodwatch milite pour mettre fin à cette absurdité réglementaire : pourquoi produire et exporter ce que nous avons interdit pour protéger la santé et l’environnement ? 

Près de 70 000 personnes ont déjà signé les pétitions de foodwatch contre ce commerce toxique. Si des pays comme la France ou la Belgique ont entamé des démarches nationales, une interdiction à l’échelle européenne est nécessaire et se fait toujours attendre. 

En 2022, la Commission européenne a bien lancé un processus législatif… mais celui-ci est depuis bloqué en phase de consultation. Aucune avancée n’a été observée, laissant craindre que cette réforme essentielle ne disparaisse dans un tiroir, victime des pressions des lobbies de Bayer-Monsanto, BASF et Syngenta. 

Il est temps de mettre un terme à ce non-sens. La Commission européenne doit interdire la production et l’exportation de substances et pesticides déjà bannis par notre propre règlementation. Des sanctions exemplaires et véritablement dissuasives doivent être imposées aux industriels et une tolérance zéro appliquée aux résidus dans notre alimentation, afin de protéger notre santé de ces pesticides et nos agriculteur·ices d’une concurrence déloyale.   

L’objectif est triple : protéger la santé des citoyen·nes et des agriculteur·ices ici comme ailleurs et garantir une concurrence loyale entre les filières agricoles. 

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