Actualités 27.07.2023

Fraude au miel, transparence et étiquetage : ce qui doit changer

Pour les fraudeurs qui cherchent à écouler leur faux miel, le marché européen est une aubaine, car une véritable passoire… 46% des miels importés sont suspectés d’être frauduleux et ne sont souvent pas détectés, selon la Commission européenne. Malgré ce constat alarmant, l’heure n’est toujours pas à la transparence : en avons-nous dans nos placards ? Et pour ajouter à la confusion, les étals des supermarchés sont emplis de mélanges de miels importés, aux mentions d’origines parfois floues, voire « UE et non UE » (sic). foodwatch fait le point sur ce qui doit changer au rayon miel. 

Miels frauduleux : nous avons le droit de savoir !

Avec l'opération « From the hives » (De la ruche), c'est la première fois que la Commission européenne communique clairement et de manière aussi détaillée sur un problème de fraude majeur. Sans détour, elle reconnait dans son rapport publié en mars 2023 qu’ « une part importante du miel importé en Europe est soupçonné d’être frauduleux, mais il n'est souvent pas détecté ». 

Sur les 320 lots de miels testés par le laboratoire officiel du Joint Research Centre (JRC) pour la Commission, 46% ne seraient pas vraiment du miel. Ils contiennent des sirops de sucre à base de riz, de blé ou de betterave sucrière. Il y a peu de risques pour la santé des personnes qui en consomment, mais c’est tout simplement interdit. Ces mélanges de sirops qui se font passer pour du miel sont donc hors la loi, et les fraudeurs ne manquent pas de créativité pour faire passer leur faux miel pour un produit authentique.

Bien que ce trafic de miel frelaté existe depuis des années et qu'il porte sur des quantités considérables, ces produits se retrouvent dans les rayons des supermarchés. Pire encore, lorsqu’une fraude est découverte, les consommateurs et consommatrices n’en sont jamais informé·es !

Pourquoi ? Parce que la réglementation actuelle n'oblige ni les autorités ni les industriels à informer les consommateurs et consommatrices, sauf en cas de risque sanitaire. Ces « faux » miels, non conformes à la réglementation européenne, peuvent finir dans nos placards sans que nous n’en sachions rien. Même si la fraude est découverte, il n'y a aujourd’hui pas de retrait ni de rappel public.

L'opacité est un choix politique que nous ne pouvons pas accepter. Elle alimente un climat d'impunité qui encourage les fraudeurs et alimente la méfiance des consommateurs et consommatrices. 

À l’inverse, la transparence présente 3 avantages non négligeables :

  • elle valorise celles et ceux qui travaillent dans les règles de l’art ; 
  • elle montre que les autorités en charge s'occupent du problème et travaillent à la protection des citoyen·nes européen·nes ;
  • elle constitue un avertissement dissuasif et une sanction pour ceux qui seraient tentés de frauder.

Pour un étiquetage obligatoire de l’origine du miel partout en Europe

En France, l’indication de l’origine du pays dans lequel le miel a été récolté est obligatoire lorsqu’il est conditionné en France. Il faut regarder attentivement, car ces mentions sont parfois discrètes sur le pot de miel, voire indiquées de façon très floue en abrégé comme par exemple : VNM (Vietnam), TH (Thaïlande), BG (Bulgarie), RPC (République populaire de Chine), etc. 

En revanche, si vos miels ne précisent aucun pays d’origine mais comportent la mention « mélange UE » ou « UE et non UE », cela signifie que ces miels ont été conditionnés hors de France et ce, même si la marque vous semble française ou que le fabricant indique une adresse française. Chez foodwatch, nous soutenons l'étiquetage obligatoire de l'origine du miel avec le pays d'origine sur tous les produits, qu’importe leur lieu de conditionnement. 

Cette question de l’étiquetage de l’origine du miel fait actuellement l’objet de vives discussions parmi les Etats membres de l’Union européenne. La Commission a proposé de le rendre obligatoire partout au sein de l’UE : « Le fait d'indiquer les pays d'origine améliorera la transparence pour les consommateurs et devrait également promouvoir la production de ces produits dans l'UE ».

Nous demandons maintenant un électrochoc politique : la fraude est massive et sous nos yeux. Mais elle reste un tabou. Nous voulons des moyens de contrôles à la hauteur de l’enjeu et une méthodologie harmonisée pour repérer la fraude au miel. Les citoyens ont le droit de savoir s’ils consomment des produits hors-la-loi
Ingrid Kragl de foodwatch autrice du livre-enquête sur la fraude alimentaire “Manger du faux pour de vrai” (éditions Robert Laffont).  

Les débats portent aussi sur la nécessité d’indiquer le pourcentage exact de miel originaire de tel ou tel pays. Les apiculteurs et apicultrices, ainsi que nombre de leurs fédérations souhaitent que cette information soit totalement transparente. Ils et elles pensent qu’en lisant cette répartition en pourcentage, les personnes se tourneront plutôt vers des productions plus locales, en tous cas européennes. 

Si ces améliorations de l’information sur l’étiquetage nous apparaissent comme des avancées, elles ne résoudront pas à elles seules le problème de la fraude alimentaire. Et pour cause : les services de contrôles nationaux mais aussi les laboratoires privés passent à côté de la fraude car leurs moyens sont insuffisants et ils n’utilisent pas (encore) la nouvelle méthode développée par le Joint Research Centre, qui permet de repérer les nombreuses adultérations sur les faux miels importés.

« Faux miel » : une révélation-choc autant qu’un aveu de faiblesse de la part de la Commission européenne

Si le rapport « From the hives » de la Commission européenne ne prétend pas refléter fidèlement le marché du miel au sein de l’UE, il donne un bon aperçu de l’ampleur de l’adultération du miel en provenance de pays tiers, dont nous vous donnions le détail échantillon par échantillon dans notre précédent décryptage sur la fraude au miel.

En Europe, nous sommes dotés de réglementations fortes dans le domaine alimentaire pour protéger les consommateurs. Pourtant, cette récente enquête démontre que des milliers de tonnes de miel frauduleux pénètrent le territoire européen et donc nos supermarchés depuis des années sans que nous n’en soyons jamais informés.
Ingrid Kragl de foodwatch autrice du livre-enquête sur la fraude alimentaire “Manger du faux pour de vrai” (éditions Robert Laffont).  

Les prélèvements ont été effectués essentiellement dans les grands ports où les produits frauduleux arrivent avant de sillonner les routes européennes : Anvers, Hambourg, Barcelone, Le Havre, etc. et à la frontière entre la Pologne et l’Ukraine. Sur les 95 importateurs ciblés, deux tiers d'entre eux avaient importé au moins une fois un lot de miel suspecté d'être frelaté avec des sirops de sucre. 

Le miel se doit d’être pur pour être qualifié comme tel. La législation européennes stipule clairement : « Le miel ne doit avoir fait l'objet d'aucune addition de produits alimentaires, y compris les additifs alimentaires, ni d'aucune addition autre que du miel ». Ces mélanges de sirops qui se font passer pour du miel sont donc hors la loi, et les fraudeurs ne manquent pas de créativité pour faire passer leur faux miel pour un produit authentique.

La passoire du marché européen, une aubaine financière pour les fraudeurs

Cette fraude massive a lieu dans un contexte particulier. Dans certains pays européens, les colonies d’abeilles ont réduit de 50%, et leur déclin s’accélère. En France, 300 000 ruches périraient chaque année à cause des polluants dans l’environnement (pesticides), des maladies, des parasites et prédateurs (varroa, frelon asiatique…), et des effets du changement climatique qui ravage les plantes à butiner.

Face à ces difficultés, lorsque la production de miel ne parvient plus à satisfaire la demande européenne, le recours à l’importation – parfois en étiquetant le miel comme local –, à des mélanges allant jusqu’à six origines lointaines, à une dilution frauduleuse, à des sirops qui n’ont jamais vu l’ombre d’une ruche... est d’autant plus tentant car cela peut rapporter gros et que le risque de se faire attraper est faible. Pour vous donner une idée : en moyenne, un miel importé en Europe coûte 2,17 euros par kilo alors que les sirops de sucre fabriqués à partir de riz coûtent entre 0,40 et 0,60 euros au kilo. 

Fraude alimentaire : que se cache-t-il derrière ce scandaleux tabou ?

Comment définir la fraude alimentaire ? Quelles sont ces escroqueries ? Qui sont les fraudeurs ? Comment lutter contre ? Gardez l’estomac bien accroché, foodwatch a mené l’enquête. 

LIRE LE DOSSIER

L’Union européenne est très dépendante de ces importations en provenance de pays tiers. Elle importe 175 000 tonnes de miel par an – ce qui en fait le deuxième importateur mondial de miel après les États-Unis -, pour couvrir 40% de sa consommation. Si 46 % du miel importé est potentiellement frauduleux, cela signifie que plus de 80 000 tonnes de faux miel sont vendues et consommées en Europe chaque année...  Et nous ne parlons ici que des importations en provenance de pays extérieurs à l'Union européenne. Cela n'inclut pas la fraude intra-communautaire, bien sûr, qui vient s'ajouter à ce chiffre. 

La fraude au miel et foodwatch dans les médias du monde entier

foodwatch a attiré l'attention des médias sur le sujet du miel frauduleux qui nous/vous préoccupe. Vous êtes déjà plusieurs dizaines de milliers à avoir signé la pétition exigeant la transparence sur la fraude alimentaire et cela continue. L’information a été largement relayée dans la presse internationale, de la France à la Turquie, de la Pologne à la Grèce, en passant par la Suisse, l'Allemagne, la Belgique, la Roumanie, mais aussi les Etats-Unis, le Japon, le Brésil, le Royaume-Uni, etc. qui ont cité les résultats de l'opération européenne mais aussi les revendications de foodwatch pour la transparence. L'énorme couverture médiatique montre clairement que le sujet du miel frauduleux préoccupe le monde entier et qu'il faut s'y attaquer de toute urgence. 

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