Actualités 23.09.2021

Présidence de l’UE : la France va-t-elle accepter les « cadeaux » des entreprises ?

Dévoiler la pratique du parrainage de la présidence tournante du Conseil de l’UE par de grandes entreprises, c’est faire face à deux types de réactions : les choqués ou les désabusés. A quelle catégorie appartenez-vous ? La France cèdera-t-elle, comme d’autres pays européens, à cette (consternante) habitude lorsqu’elle présidera ce Conseil de janvier à juin 2022 ? Avec une nouvelle pétition, foodwatch, alliée à l’Observatoire des multinationales et Corporate Europe Observatory, vous propose de peser sur le choix que fera le gouvernement. En clair : la France doit se passer de sponsors privés et ainsi éviter tout risque de conflits d’intérêt.

Autant vous le dire tout de suite, notre article risque de vous faire râler. Si vous souhaitez garder votre sourire - et un brin de candeur - passez votre chemin. Non, vous restez ? Vous avez raison, ce sujet digne d’une caricature de presse est essentiel et nous pouvons agir.

Coca-Cola, des industries pétrolières ou automobiles sponsors de présidences du Conseil de l’UE : une pratique aberrante.

Des énormes poufs Coca-Cola, des mini-bars avec la boisson ultra sucrée à volonté, des néons prenant la forme de la fameuse bouteille et un message placardé partout « Le système Coca-Cola soutient fièrement la première présidence roumaine du Conseil de l'UE ». Ce décor digne d’un stand de salon de l’alimentation s’est invité en 2019 dans une réunion au sommet du Conseil de l’UE. Alors à la présidence de cette institution, la Roumanie avait accepté pour « sponsor platine » le mastodonte de l’agroalimentaire.

Surréaliste, cette scène avait choqué des journalistes. foodwatch avait alors lancé l’alerte et dénoncé cette tradition aberrante : le sponsoring privé de la présidence de l’UE, une pratique malheureusement bien ancrée qui alimente le flou et les risques de conflits d’intérêts entre décideurs politiques et lobbies des multinationales.

En 2018, les sponsors de la présidence autrichienne comprenaient Audi, Porsche et Microsoft. La présidence finlandaise en 2019 avait notamment pour partenaire BMW. En 2020, la présidence croate avait quant à elle choisi INA, une compagnie pétrolière, et les marques automobiles Peugeot et Citroën. Début 2021, Sumol+Compal - distributeur portugais entre autres de Pepsi, Gatorade et Lipton – comptait parmi les sponsors de la présidence du Portugal. 

Un seul et unique pays a récemment refusé tout partenaire privé pour sa présidence : l’Allemagne en 2020. foodwatch milite pour que cet exemple allemand devienne la norme et que la France lui emboîte le pas. Notre pays va en effet prendre la présidence du Conseil de janvier à juillet 2022 : demandez au gouvernement français de refuser toute forme de « cadeaux » des entreprises.

Sponsors privés de la présidence du conseil de l’UE : est-ce vraiment si gênant ? 

Ces opérations de sponsoring sont d’autant plus gênantes qu’une forte opacité les entoure. Quels avantages les entreprises tirent-elles de leur statut de partenaires « Or » ou encore « Platine » ? Vous n’en saurez rien. Ce flou et la promiscuité entre ces entreprises et des décideurs européens se révèlent particulièrement dérangeants, surtout quand on connaît le pouvoir du Conseil de l’UE et le rôle de sa présidence. 

Pour bien saisir ce qui se joue là, petit retour sur les basiques institutionnels : le Conseil de l’Union européenne fait partie des quatre structures de décision de l’Europe. Il réunit les ministres des 27 pays membres. Avec le Parlement européen, ce Conseil vote et négocie la législation européenne, il conclut des accords internationaux (coucou Mercosur, TAFTA, CETA et compagnie) ou encore adopte le budget de l’Union. On y parle politique et encadrement juridique sur des sujets tels que l’alimentation, la malbouffe, la pollution de l’air, l’environnement, la santé, l’agriculture, etc. Bref, des sujets d’intérêt général, qui touchent à votre quotidien mais également aux intérêts des entreprises « partenaires » de la présidence.

Tous les six mois, le gouvernement d’un Etat membre de l’UE occupe la présidence de ce Conseil de l’Union européenne. Ce pays décide alors notamment du calendrier législatif. Quels sujets traînent ou passent en premier ? Un vrai enjeu pour faire avancer ou non des décisions. 

Confiance des citoyens, risque de conflits d’intérêts… la France doit dire non aux « cadeaux » des entreprises

Pour couvrir les coûts de fonctionnement des réunions du Conseil, assurer les traductions et toutes sortes d’autres dépenses, les présidences du Conseil reçoivent des fonds de l’UE. Dans les faits, les présidences ont cependant tendance à organiser des réunions supplémentaires, et informelles, par exemple dans leur pays d’accueil. C’est là que les « partenaires » sont présentés comme un appui. Mais à quel prix pour les citoyens ? 
 
L’alerte lancée par foodwatch en 2019 a permis de soulever le risque de conflits d’intérêt. Suite à notre plainte auprès de Emily O’Reilly, médiatrice pour l’UE, celle-ci a reconnu que ces contrats comportent un « risque réputationnel » pour l’Union européenne. Un code de conduite a  été adopté suite à ses recommandations, mais il n’interdit pas vraiment le recours à ces sponsors privés.

Exigeons que la France fasse le bon choix. Que vous soyiez choqué.e ou désabusé.e face à ces partenariats privés de la présidence du Conseil de l’UE, nous sommes convaincu·es que si vous ne dites rien, vous risquez de ne pas être entendu·es : n’hésitez pas à signer la pétition et à partager cet article avec votre entourage. 

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