Chute du gouvernement Bayrou : les 5 dossiers-clés de foodwatch, contre-pouvoir citoyen indépendant
Le gouvernement de François Bayrou tombe, mais le combat continue. Pour lutter contre l’entêtement des gouvernements qui se succèdent à creuser les inégalités et leur refus à défendre l’intérêt général. A la croisée des enjeux de santé publique, sociaux, économique et environnementaux, retour sur les principaux dossiers de ces neuf derniers mois que foodwatch va continuer de porter pour défendre le droit à une alimentation saine, choisie, durable à des prix justes pour les agriculteurs et agricultrices et abordables pour toutes et tous.
Santé publique – à rebours de la science
La Loi Duplomb a été un tournant majeur dans la chute du gouvernement Bayrou. Cette loi a été la goutte de pesticide et d’agriculture intensive qui a fait déborder le vase. Son objectif tel que présenté par le sénateur Duplomb et le gouvernement : « lever les contraintes » des agriculteurs. Traduisez : simplifier l’industrialisation de l’élevage, la privatisation de l’eau et surtout autoriser à nouveau des pesticides particulièrement dangereux en ignorant ouvertement l’alerte de millier de médecins et de chercheurs sur la toxicité pour la biodiversité et pour la santé de ces néonicotinoïdes. LA FNSEA, à la manœuvre depuis le début, appuyée par le député Julien Dive et la ministre de l’Agriculture Annie Genevard, a réussi à faire passer la loi en contournant les règles démocratiques.
Si le Conseil constitutionnel a censuré le 7 août la ré-autorisation par dérogation de certains néonicotinoïdes dont l’acétamipride, les autres terribles mesures de la loi ont été promulguées. Nos coalitions de la société civile continuent de se renforcer pour exiger l’abrogation de cette loi et une nouvelle loi répondant aux vrais enjeux agricoles, alimentaires et sanitaires du pays
Du coté des additifs alimentaires ou des contaminants, la stratégie politique a été surtout de faire la sourde oreille à nos interpellations et aux publications scientifiques. Sur l’aspartame, malgré la mobilisation de plus de 250 000 citoyen·nes et de nombreuses nouvelles études pointant du doigt des risques sur la santé, aucun signe de prise au sérieux du gouvernement. Dans le dossier de la contamination du thon par le Mercure, le ministère de l’agriculture n’a pas non plus répondu à nos demandes de mettre en place une norme la plus protectrice malgré les risques pour la santé. Le thon reste l’un des poissons les plus contaminés par le mercure et le plus consommés en France mais avec la norme la plus lâche en termes de santé publique. Une aberration.
Malgré des solutions connues, inaction sur la transparence des prix
Depuis 2023 et l’alerte lancée avec Familles Rurales et UFC-Que Choisir, foodwatch se mobilise pour lever l’opacité de la grande distribution et des industriels sur leurs profits – excessifs en période d’inflation - et leurs marges. L’enjeu ? Plus de transparence sur la construction des prix de notre alimentation, pour contribuer à des prix plus justes pour les agriculteurs et agricultrices et plus accessibles pour toutes et tous, surtout pour les produits recommandés pour la santé. Malgré les rencontres avec les ministres successifs et les cabinets ministériels, la mobilisation de la DGCCRF, et les propositions claires formulées dans ce dossier, le gouvernement Bayrou a misé sur l’inaction. Pourtant, notre équipe n’a cessé de démontrer et de dénoncer ce marché à deux vitesses, orchestré de toutes pièces par les acteurs agroalimentaires et la grande distribution. D’abord en janvier 2025, avec cette enquête qui montre que dans 12 catégories de produits de grande consommation observées, les produits les moins chers sont systématiquement plus sucrés que les produits les plus chers. Puis en mai 2025, avec d’autres associations, dans une nouvelle enquête qui analysait les promotions en supermarché : les deux tiers des promotions concernaient des produits mauvais pour la santé. Autrement dit, les distributeurs proposent aux consommatrices et consommateurs de faire des économies sur les produits que les expert·es de santé publique recommandent de limiter. Pour foodwatch, ces pratiques inacceptables parlent d’un système : celui dans lequel les industriels et les distributeurs proposent sciemment une offre alimentaire orientée vers les produits les moins bons pour la santé et l’environnement. Un système injuste qui doit d’urgence changer.
Fraudes alimentaires et scandales sanitaires : le gouvernement savait
Deux grands dossiers ont émaillé cette dernière année politique. La fraude aux eaux minérales filtrées illégalement par Nestlé et celle des fromages contaminés qui ont provoqué des décès en France et de nombreux malades.
Le gouvernement savait depuis longtemps que Nestlé filtrait ses eaux en bouteille – Perrier, Hépar, Contrex, etc. - tout en les faisant passer pour minérales naturelles, pures. Mais il a préféré l’opacité et la protection des intérêts de la multinationale à l’information des consommateurs. Il a fallu une Commission d’enquête au Sénat pour auditionner des responsables politiques et se rendre compte du travail sur le terrain réalisé par nos agences publiques, qui sont aujourd’hui menacées de disparaître. foodwatch a porté plainte dans cette affaire et l’enquête au tribunal de Paris suit son cours. Nous continuons de porter cette exigence de transparence, fondamentale pour la confiance et de casser ce climat d’impunité. Personne n’est au-dessus des lois.
En plein mois d’août, c’est un scandale de fromages contaminés à la bactérie Listeria monocytogenes qui rattrape le ministère de l’Agriculture, en charge des contrôles sanitaires. Après une enquête rapide, nous découvrons que la quarantaine de rappels sur rappelconso sont tous liés à la fromagerie Chavegrand. Suite à notre interpellation et à la pression médiatique, le ministère de l’Agriculture s’est vu contraint de communiquer enfin publiquement sur des cas de listériose identifiés par leurs services... depuis le mois de juin, ayant causé des dizaines de malades et deux décès. Les fromages ont été vendus dans de nombreux autres pays et même rappelés à plusieurs reprises pour le même souci.
foodwatch souligne les nombreuses zones d’ombre de ce nouveau scandale alimentaire tant du côté de l’entreprise que du gouvernement. foodwatch va continuer de se battre pour une communication transparente et surtout proactive des consommateurs et consommatrices.
Feuille de route sur l’alimentation et le climat : Bayrou, entre frilosité et lâcheté
Attendue en 2023, la Stratégie Nationale pour l’Alimentation et le Climat (SNANC), texte d’orientation promettant des avancées sur la transition alimentaire et environnementale, a été sapée, sabordée et retardée par les derniers gouvernements successifs, jusqu’à être lâchement tailladée par le Premier Ministre déchu. Non content de lui faire prendre encore du retard, le cabinet de Bayrou a détricoté le texte, dans le mépris démocratique et le déni scientifique le plus total. Alors qu’elle contenait entre autres la mesure la plus ambitieuse jamais portée en France pour interdire le marketing et la publicité ciblant les enfants, soutenue de longue date par foodwatch et près de 70 000 personnes, la ministre de culture, Rachida Dati, aurait fait pression pour raboter largement l’ambition de cette mesure de santé publique. De même, alors que le texte instaurait un objectif chiffré de réduction de la consommation de viande et de charcuterie, recommandé par les expert·es de santé et largement soutenu par la consultation publique, le cabinet du Premier Ministre aurait remanié le texte en censurant ces mentions. Ils ont balayé d’un revers de la main les recommandations alimentaires du Programme National Nutrition Santé 4 (PNNS) pour satisfaire les demandes des lobbies de la viande et de la charcuterie. Un recul inquiétant qui présage des menaces pour le futur PNNS 5, dont la publication est prévue en octobre 2025.
Depuis son échec à freiner le Nutri-Score, la ministre de l’Agriculture boude-t-elle ?
Dans la liste des ministres entravant la santé publique au mépris de la science, Annie Genevard, ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation, déjà présente dans le gouvernement précédent, a joué un rôle central. En mars 2025, foodwatch avait dénoncé le blocage par la ministre du nouveau Nutri-Score, qui avait été jusqu’à fièrement s’en revendiquer à la tribune du Sénat. Derrière elle planait l’ombre des lobbies du lait, dont elle avait repris mot pour mot l’argumentaire fallacieux dans ses discours. En moins de 72h, avec le soutien de plus de 20 000 citoyennes et citoyens, nous avons réussi à la faire plier, et à la faire signer le décret validant le nouvel algorithme du Nutri-Score. Depuis cette affaire, la ministre nous a boudé, ne répondant à aucun courrier, ni à aucune demande de rendez-vous. Elle a pourtant beaucoup rencontré et écouté les lobbies de l’agro-industrie en particulier sur la dévastatrice Loi Duplomb. Le futur gouvernement doit continuer de soutenir le Nutri-Score, contre les industriels qui le sabotent : nous nous en assurerons.
Une chute par mépris de l’intérêt général
La chute de ce troisième gouvernement depuis la dissolution de l’Assemblée nationale n’est pas une surprise. Gouvernements successifs et parlementaires du centre et des droites, dont l’extrême droite, ont fait reculer nos droits sociaux et la protection de l’environnement à grand pas. La démission de François Bayrou est aussi la conséquence de politiques au service d’une minorité qui creusent les inégalités et piétinent droits fondamentaux et intérêt général, le tout avec un mépris affichant et un refus d’écouter les citoyen·nes. La mobilisation autour de la loi Duplomb et l’annonce des mouvements citoyens de septembre auront joué un rôle non négligeable. L’arrivée de Sebastien Lecornu à Matignon ne laisse pas espérer grand-chose de différent sur les grands dossiers. Mais une chose est sûre : ensemble, en tant que contre-pouvoir citoyen indépendant, nous continuons la mobilisation. Vous pouvez compter sur nous. Nous vous donnons rendez-vous pour les prochains rassemblements non violents pour exiger plus de justice sociale, économique et environnementale.