Actualités 03.04.2023

Nitrites ajoutés : le plan d’inaction du gouvernement

Lundi 27 mars 2023 dans la soirée, le gouvernement a dévoilé son plan « nitrites » en toute discrétion. Une stratégie de communication que foodwatch comprend mieux une fois le document parcouru. En bref : une coquille vide qui déroule le tapis rouge aux industriels, au détriment de la santé des citoyen·nes. Décryptage et explications.  

Avant d’analyser ce plan nitrites proposé par le gouvernement, quelques éléments de contexte pour les personnes qui nous ont rejoint depuis peu. Depuis bientôt 4 ans, foodwatch, Yuka, la Ligue contre le cancer et près d’un demi-million d’entre vous, signataires de notre pétition commune,  se mobilisent pour l’interdiction des nitrites et nitrates ajoutés à notre alimentation. Et nous ne sommes pas seul·es : les études scientifiques pointent du doigt les risques pour la santé de ces additifs E249, E250, E251 et E252 dans notre alimentation et l’ANSES, agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation a confirmé en juillet 2022 le lien entre exposition aux nitrites et nitrates via la viande transformée et cancer . 

Des parlementaires sont monté·es  au créneau. Après avoir bloqué leur proposition de loi  début 2022, sous pression, le gouvernement avait promis un plan d’action. Des risques pour la santé, des alternatives pour les fabricants qui pour beaucoup commercialisent déjà des produits « sans nitrites » et une mobilisation citoyenne sans précédent… que faudrait-il de plus pour interdire ces additifs ? 

Pourtant, le ministre de l’Agriculture Marc Fesneau s’est une fois de plus incliné face aux sirènes du lobby des industriels de la charcuterie, la FICT.

Le plan d’action du gouvernement sur les nitrites : une coquille vide

Regardons de plus près ce plan qualifié d’« ambitieux » par le gouvernement : il se décompose en 3 grandes étapes résumées ci-dessous et dont foodwatch vous livre l’analyse point par point.  

Etape 1 – Immédiatement, une baisse pour certains aliments tels que les jambons cuits et les lardons 

Etape 2 – Dans les 6 à 12 mois, des évaluations pour tester et s’assurer de la faisabilité de baisses d’ampleur visées pour les produits les plus largement consommés, voire une suppression pour les saucisses de porc à griller ou des pâtés (produits stérilisés)

Ces deux premières étapes sont surtout un effet d’annonce. En effet, les réductions immédiates annoncées étaient déjà dans les tuyaux des industriels en 2021. Quant aux « suppressions », elles concernent des produits dans lesquels on utilise peu (voire pas du tout) de nitrites et de nitrates.

Bref, des étapes 1 et 2 qui prennent soin des industriels, leur donnant même le beau rôle sans qu’ils n’aient quasiment rien à faire de plus !

Etape 3 – D’ici 5 ans et à long terme, la recherche et le développement de solutions visant à accentuer la trajectoire de diminution ou de suppression de l’utilisation de nitrites dans les produits carnés et l’évaluation de leur impact pour la santé.  

Est-il possible de faire moins explicite et moins contraignant que cette étape ? On vous donne une petite traduction de cet exemple incroyable de langue de bois :  les industriels vont peut-être essayer de réduire les additifs nitrés et il y aura peut-être des suppressions, mais rien n’est moins sûr et de toute façon les autorités publiques ne s’engagent à aucune interdiction. 

Au final, ce plan, vide d’engagement et d’ambition, ressemble honteusement à un plan de communication de l’industrie de la charcuterie (la FICT – et ses marques  ) écrit et publié par le ministère de l’agriculture… C’est à se demander qui siège dans le fauteuil de ministre de l’Agriculture.

La bonne dose de nitrites et de nitrates ajoutés, c’est zéro !

Rappelons-le : le gouvernement s’était engagé à faire en sorte que « la santé des consommateurs français soit l’unique boussole du Gouvernement ». Sur ce point, le rapport de l’Anses de juillet 2022 est clair : il confirme « l’existence d’une association positive entre l’exposition aux nitrates et/ou aux nitrites via la viande transformée et le risque de cancer colorectal » plus de trente fois dans le rapport.

Chez foodwatch, on le répétera autant de fois que nécessaire : la seule « bonne » quantité pour ces substances reconnues potentiellement cancérogène dans les viandes transformées, c’est ZÉRO. Et le seul moyen de l’obtenir, c’est que le gouvernement ou les législateurs et législatrices aient le courage politique d’interdire les nitrites et nitrates ajoutés dans notre alimentation. Autrement dit : prioriser ENFIN la santé publique. 

Justice sociale : le gouvernement sacrifie l’accès à une alimentation saine

Vous l’avez surement remarqué depuis plusieurs années maintenant : progressivement, les produits sans nitrites ont trouvé leur place dans les rayons des supermarchés. Leur particularité, au-delà de cette étiquette « sans nitrites » ? Ils sont plus chers. Ce plan n’est donc pas seulement un énième renoncement à privilégier l’intérêt général sous pression des industriels. C’est aussi la validation d’un marché à deux vitesses, acté par le ministre de l’agriculture et la Ministre déléguée auprès du ministre de la Santé et de la Prévention : d’un côté, des charcuteries aux nitrites ajoutés pour les personnes non informées ou n’ayant pas les moyens de payer plus cher ; de l’autre, du « sans nitrites » accessible à seulement une petite partie de la population.

En ne jouant pas son rôle de garde-fou par l’établissement d’un cadre contraignant pour les industriels, l’Etat joue une nouvelle fois leur jeu, quitte à les laisser agir à l’encontre de la santé publique. Face à ces décisions, nous sommes en colère. Plus que jamais, nous comptons jouer notre rôle de contre-pouvoir citoyen avec vous. Ensemble, nous continuerons à dénoncer le jeu des marques, des lobbies de la charcuterie et du gouvernement. Nous ne lâcherons rien, jusqu’à obtenir une véritable protection de la santé des consommateurs et consommatrices !
 

Un combat mené grâce à vos dons

foodwatch se bat depuis 2018 avec Yuka et la Ligue contre le Cancer pour faire interdire les nitrites ajoutés dans notre alimentation. Association 100% indépendante , ce  sont donc uniquement vos dons qui garantissent notre liberté pour contribuer aux débats publics et faire bouger les choses.  Nous ne lâcherons rien, jusqu’à obtenir une véritable protection de la santé des consommateurs et consommatrices : la seule « bonne » quantité pour ces substances reconnues potentiellement cancérogènes dans les viandes transformées, c’est ZÉRO ! 

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